Chaque année, est commémorée en novembre la semaine de la solidarité internationale. Le 17 novembre 2012, l’Association de Solidarité avec les Droits de l’Homme au Maroc (ASDHOM) organisait une rencontre à Paris pour le parrainage des prisonniers politiques au Maroc sous le titre « Parrainer un(e) détenu(e) politique, c’est l’aider à retrouver sa liberté ». Gilles Perrault fut le parrain de cette rencontre et exprimait sa solidarité en ces termes: « parrainer un ou une prisonnière politique représente un geste de solidarité élémentaire auquel nul ne doit se dérober. C’est briser la solitude que peut ressentir celui ou celle qu’on parraine. C’est réconforter les familles ». Un grand nombre de militants de plusieurs nationalités ont partagé des moments d’émotion et de souvenirs. De 2012 à 2015, l’ASDHOM a réitéré ces rencontres de Novembre.
Mustapha Abdeddaim, intellectuel sahraoui, est sorti des geôles marocaines en octobre 2011 après 3 ans d’emprisonnement. Il fait un récit dantesque de ce qu’il a vécu : « On m’a attaché les mains derrière le dos pendant 4 ou 5 jours. Je ne pouvais pas ouvrir ma braguette pour faire mes besoins. Ils m’ont par la suite aspergé d’eau de javel car, m’ont-il dit, je puais…»Il n’arrive pas à continuer de dire les souffrances endurées tant physiques que psychiques. «Ils voulaient nous déshumaniser ».
Zakaria Moumni, ancien champion de boxe, après avoir purgé 17 mois en prison déclare : « Nous étions 50 dans un espace très réduit. Nous n’avions accès à l’eau que pendant 1 heure par jour pour 50 détenus. J’ai pu défendre certains codétenus … Les gardiens « vendaient » des jeunes en les déplaçant dans d’autres geôles pour se faire violer … C’était du proxénétisme à la vue de tous… ».
Torture et actes de viols quasi systématiques, mépris, barbarie…Le rapport de Juan Mendez, rapporteur spécial sur la torture auprès de l’ONU était déjà accablant sur l’utilisation de la torture au Maroc. Mais entendre ces anciens détenus politiques qui n’arrivent pas à terminer leurs phrases au milieu de leurs larmes nous replonge dans ces années de plomb que l’on croyait révolues.
Comment accepter des détenteurs du pouvoir leur silence face à l’ignominie ? Comment peuvent-ils laisser ces pratiques impunies ? Comment peut-on laisser traiter des humains de la sorte. Si les gouvernants ne réagissent pas pour arrêter cette barbarie, ils sont aussi coupables sinon plus.
Quant aux grands de ce monde qui ne posent aucune condition pour développer leurs investissements au Maroc alors qu’ils savent tout ce qui s’y passe en matière de violation manifeste des droits humains , ils ne sont certes pas coupables mais sûrement responsables.
En écoutant ces deux victimes des geôles marocaines on voit se dégager de leur posture une dignité certaine. Ils ont tenté de les déshumaniser mais eux ont désigné, après ces tortures innommables, les détracteurs de l’humain et leurs responsables.
Lors de cette rencontre organisée, ces anciens prisonniers politiques ont lancé un appel pour qu’un vent de l’extérieur pénètre dans cet enfer… Ils l’ont vécu et leur pensée première est pour ceux qui y sont encore.
On a tenté de les détruire, mais ils sont toujours debout.
Hayat Berrada Bousta
Novembre 2012