Ben Barka ou quand la Mémoire vivante d’un homme se lit dans le nom de lieux publics

Allée Mehdi Ben Barka à Gennevilliers
Inaugurée par le Maire Patrice Leclerc
Photo prise par Saïd Laayari

Les 28 et 29 octobre 2014 ont été des moments de mémoire et d’émotion pour les personnes qui ont assisté à l’inauguration de la plaque Mehdi Ben Barka à Gennevilliers ainsi qu’au rassemblement devant la brasserie Lipp à Paris, lieu de l’enlèvement de celui qui reste dans les mémoires tant marocaine qu’internationale le combattant pour la justice sociale, la démocratie et la dignité des femmes et des hommes.

Mr Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers a rappelé le rôle que Mehdi Ben Barka a joué aux niveaux national et international ainsi que son engagement important dans la préparation de la Tricontinentale qui s’est tenue en son absence en 1966.

Il a, en outre, mentionné la responsabilité de la France dans cet enlèvement, appelant le Président de la République à aider à la recherche de la vérité.

Dans son intervention Bachir Ben Barka, fils aîné de Mehdi Ben Barka remercie le maire pour  « l’hommage que la Ville de Gennevilliers rend aujourd’hui à Mehdi Ben Barka » mais aussi pour son investissement dans ce projet dont l’initiative première était celle de son prédécesseur, Monsieur Jacques Bourgoin, qui envisageait de donner le nom de Ben Barka à une allée à Gennevilliers.

« Cette belle allée, lieu de promenade des Gennevillois, sera également, à partir d’aujourd’hui, un lieu de mémoire et d’histoire.» 

Avec beaucoup d’émotion partagée, Bachir Ben Barka a rendu un bel hommage à sa mère, Rhita Bennani-Ben Barka qui n’a pas cessé de s’impliquer pour que la vérité soit faite sur la disparition de son mari et pour pouvoir se recueillir sur sa tombe: «Je souhaite associer à cet hommage que vous faites à la mémoire de mon père, celui dû à sa veuve, ma mère, notre mère. Elle a su nous inculquer son courage, son attachement à la transmission des principes et idéaux de notre père. Grâce à elle, nous traversons cette épreuve avec dignité et résolution. Par son exemple, nous sommes plus forts pour poursuivre notre combat contre la raison d’Etats, pour la vérité, pour la mémoire et pour la justice. Cet hommage est aussi pour elle.»    

Rappelant les lieux dans le monde qui ont inscrit le nom de Mehdi Ben Barka, Bachir a mis l’accent sur le sens de cet hommage:c’est « un acte de mémoire et de solidarité. Mais c’est aussi un acte politique d’une forte portée symbolique. Au-delà de la préservation de la mémoire et de l’hommage dû à un combattant de la liberté des peuples et de la démocratie, cette inauguration est porteuse de plusieurs significations.(…). Cette Allée, la place à Paris et la rue à Montpellier sont autant de signaux forts lancés à nos dirigeants politiques pour exiger avec force que toute la vérité soit faite sur le sort de Mehdi Ben Barka, que sa sépulture soit connue, que toutes les responsabilités soient établies, à quelque niveau se situent-elles. »

La responsabilité de la France dans cet enlèvement, du fait que l’enlèvement ait eu lieu sur son territoire et que ce sont des policiers français qui ont enlevé le leader de la gauche marocaine et du Tiers Monde, n’est plus à démontrer.

La connaissance de la vérité sur le sort de Mehdi Ben Barka se heurte au silence de la part des plus hauts responsables de la République Française et ce, quelle que soit la couleur politique des gouvernements qui se sont succédés.

Comme le disait Bachir Ben Barka le 29 octobre devant la brasserie LIPP : “le ministère français de la Défense n’a pas bougé d’un iota dans son refus de lever le secret-défense sur les dossiers de la DGSE, saisis par le juge Ramaël depuis 2010. La ministre de la Justice, Garde des Sceaux n’a toujours pas répondu à notre demande d’audience pour connaître le sort des mandats d’arrêt internationaux lancés par le même juge Ramaël à l’encontre de responsables sécuritaires marocains en octobre 2007. On ne sait toujours pas si ces mandats sont opérationnels, et à quel niveau (territoire français, Schengen ou général)”.

Certes, la responsabilité première est marocaine mais les complicités sont françaises, israéliennes et américaines comme l’a souligné le fils du disparu lors de ce rassemblement.

Malgré ce silence qui dure depuis près d’un demi siècle,  la famille espère toujours et ne désarme pas:  “ Grâce à vous, grâce à toutes celles et tous ceux qui sont à nos côtés depuis bientôt cinquante ans, je suis convaincu que notre combat aboutira” a déclaré Bachir entouré de sa famille, de ses amis et d’un grand nombre de gennevillois avant l’installation d’une très belle plaque, dans l’esplanade du Lycée technique Galilée à Gennevilliers.

L’exemple de certaines mairies en France, en inauguarnt des rues et places au nom de Mehdi Ben Barka méritent que d’autres municipalités s’en inspirent et marquent, par cette portée symbolique,  leur engagement dans ces nobles principes de Liberté, d’Egalité et de Fratenité.

Il est temps, après bientôt 50 ans, de permettre à l’épouse et aux enfants de Mehdi Ben Barka de se recueillir devant la tombe de leur conjoint et père.

Hayat Berrada-Bousta
30 octobre 2014