Un article, moins d’un mois après les manifestations du Mouvement du 20 février 2011. Tunisie, Egypte, Syrie, Maroc etc. Ces mouvements de contestation pour la démocratie et les droits humains ont rassemblé un grand nombre de femmes qui scandaient avec leurs compatriotes masculins » Pas de démocratie sans l’égalité entre les femmes et les hommes. Cet article rappelle les combats des femmes dans notre histoire, pendant la colonisation et après « l’indépendance ».

En ce jour et dans le contexte actuel d’éveil des peuples marqué dans notre pays par la dynamique du 20 février 2011, permettez- moi de saluer le combat ininterrompu de bien des femmes par le monde.
Dans notre pays à l’instar de bien d’autres, des femmes ont bravé tous les interdits par des sacrifices divers.
Quand on a touché à leur pays, ce sont elles qui, en 1913 au lendemain de la colonisation au Maroc, manifesteront à Khémisset: c’était la première manifestation contre la colonisation. Elles se sont mobilisées pour arrêter la colonisation à Fès, au Moyen Atlas, à Saghrou, au Sahara et partout ailleurs. Elles étaient présentes avec les hommes pour les pousser à la limite de la résistance. Leur participation a été déterminante pendant les 3 phases qui ont marqué le combat contre l’occupation : Ma Alaïnine et Elhiba, au Moyen Atlas Moha ou Hammou Zayane avec Itto Zayania et aux côtés de Abdelkrim al-Khattabi dans tout le nord du Maroc.
La période de la résistance de 1952 à 1955 est jalonnée de témoignages sur les opérations menées par des femmes à Fez, Marrakech, Rabat, Salé, Khémisset et partout ailleurs. Du fait qu’elles pouvaient se déplacer aisément, elles ont pu transporter armes et munitions. Elles ont également joué le rôle de messagers. L’une des plus célèbres est sans conteste Khaddouj Zerktouni, soeur et bras droit du grand résistant Mohamed Zerktouni
Rabiaa Taibi, Touria Chaoui, Habiba Amor, Latifa El Fellous, Ftima Al Malqiha, Fatna Belarbi, Haddaouia, Saâdia Douraidi, Mou Fama et bien d’autres restées dans l’anonymat.
Elles ont connu comme leurs camarades masculins les vexations, la prison et la torture. Après l’Indépendance formelle beaucoup d’entre elles sont restées humblement dans l’ombre. Cette humilité est le signe d’un véritable don de soi …sans contre- partie.
Après « l’indépendance formelle de notre pays, les manifestations du 23 mars 1965 ont fait plusieurs morts dont un certain nombre de femmes dont le crime était de croire en la possibilité pour leurs enfants de sortir de l’illettrisme, qui avaient l’espoir que l’éducation contribuerait à aider leurs enfants dans la vie et qui avaient tout sacrifié pour ceci.
En réponse à cette colère, Hassan II, une semaine après ces évènements répondra lors de son allocution le 30 Mars « Il n’y a pas de danger plus grave pour l’Etat que celui de soi-disant intellectuels. Il vaudrait mieux que vous soyez illettrés. »
Le Maroc contemporain est celui de nombreuses femmes qui, malgré toutes les difficultés à se faire entendre, ont contribué à ce qu’aujourd’hui on puisse inscrire le rôle des femmes dans l’identité de notre pays.
Femmes résistantes et combattantes pour l’indépendance de leurs pays comme l’a été Mou Fama, femmes détenues et parfois assassinées pour leurs idées, femmes exilées et séparées de tout lien familial…mais souvent femmes oubliées.
Il y a celles qui ont fait le même choix que leurs camarades masculins, mais aussi les victimes « collatérales », celles qui endurent des sacrifices par leurs liens avec leurs parents, leurs conjoints et enfants. Aujourd’hui, on pense à elles car elles se sont dépassées et se dépassent encore pour que jamais on ne puisse oublier…
En ce jour et en cet élan populaire où femmes comme hommes poursuivent sans relâche leur combat pour la Vérité, nous avons besoin de cette endurance pour que jamais le mépris l’emporte sur la dignité…
Hommage à toutes ces femmes qui ont fait, font et continuent d’écrire notre histoire et surtout qui nous incitent à ne pas baisser les bras face à l’injustice, le non droit et le mépris des peuples.
Saïda Menebhi, torturée pendant sa détention, écrivait de sa prison et avant d’y mourir en décembre 1977 :
« … nous avons tenu bon
et affronté les douleur
Car nous savons
Qu’être en prison
N’est pas un problème
Il s’agit d’aller de l’avant. »
La vigilance de toutes ces femmes est exemplaire. Leur engagement désintéressé. Leur humilité est le plus bel exemple de dignité…
Les générations à venir par leur engagement actuel continuent à écrire en lettres de justice et de liberté ce combat commun pour les changements institutionnels et l’égalité des droits mais devront aussi travailler à déconstruire les mentalités et les représentations collectives et individuelles de domination sexiste.
Hayat Berrada Bousta
8/03/2011