Lettre ouverte à A.Youssoufi à propos de l’interdiction du journal – 7 Décembre 2000

Lettre ouverte au premier Ministre, d’alors, Abderrahmann Youssoufi suite à la censure et l’interdiction du  » Journal Hebdomadaire » qui avait publié, le 25 novembre 2000, la lettre que Mohamed Basri avait envoyée, le 8 août 1974, à ses coresponsables à l’UNFP et qui mentionnait, entre autres, la participation de l’opposition dans le coup d’état militaire contre le roi Hassan II le 16 août 1972.

« Si la liberté de réunion est niée, si la presse est bâillonnée,
si les patriotes porte-parole des masses sont pourchassés (…)
comment s’étonner(…) que le peuple emploie un moyen plus direct
pour se faire entendre ? »
Mehdi Ben Barka «  Option Révolutionnaire au Maroc », Mars 1965.

Je savais que la Mémoire de Mehdi Ben Barka était toujours présente. Mais, ce que j’ignorais ou ne pouvais admettre, c’est qu’un jour, l’un de ses plus proches compagnons, celui qui avait conduit le procès de ses assassins, puisse ressortir l’article 77 de cette constitution, « summum de l’ingénierie marocaine », pour bâillonner une presse qui le dérange. On est loin, bien loin, des principes élémentaires de démocratie.

Monsieur Youssoufi, avez-vous, à ce point, oublié que ce sont vos positions d’alors pour le droit, la démocratie et contre l’arbitraire et l’absolutisme qui ont conduit un grand nombre de militants, comme moi-même depuis 1968, à adhérer et militer au sein de l’Union Nationale des Forces Populaires, au prix de bien des sacrifices. L’Histoire vous reprochera d’avoir oublié tous ces militants dont certains ont été assassinés, emprisonnés, sauvagement torturés ou exilés. Exilé, vous l’avez longtemps été vous-même, au nom d’une certaine idée de Liberté. Que vous ayez modifié vos analyses politiques, que vous soyez convaincu que le chemin que vous empruntez depuis ces dernières années est le meilleur, c’est là votre droit

Les nouvelles générations (pas seulement au Maroc, mais aussi dans le monde), veulent connaître leur Histoire. Ils ont le droit de savoir. Le retour au passé est, pour eux, le moyen de ne pas faire les erreurs dans l’avenir. La manière dont ils le font, la vérité de ce qu’ils rappellent peuvent être discutables, vérifiables et amener un débat, mais en aucun cas ne vous donnent le droit de les bâillonner.

Hayat Berrada Bousta
7 décembre 2000