Au sujet de la visite de François Hollande au Maroc – Quand les intérêts d’Etat tolèrent les autocraties – 2013

En avril 2013, à l’instar de ses prédécesseurs, le Président François Hollande rendait visite au Roi du Maroc Mohamed VI, privilégiant ses intérêts aux réalités et conditions de vie du peuple marocain et fermant les yeux sur les atteintes flagrantes aux droits humains largement mises en cause par des observateurs internationaux.
En septembre 2015, François Hollande rend une seconde fois visite à Mohamed VI après celle de Bernard Cazeneuve qui promettait de décorer de la légion d’honneur Abdellatif Hammouchi, directeur général de la sûreté nationale (DGSN), accusé de responsabilité dans la torture de militants.
Les deux articles sont sur cette même page.

Les médias tant nationaux qu’internationaux relaient rarement l’accélération de la répression dans notre pays, les agressions verbales pour humilier et intimider des jeunes et principalement des femmes, l’utilisation de la torture d’un autre âge comme l’ont déclaré  d’anciens prisonniers politiques et le rapport accablant sur l’utilisation de la torture au Maroc de Juan Mendez, rapporteur spécial sur la torture auprès de l’ONU.

Cette situation est inquiétante, tant pour les victimes de ces actes qui rappellent les périodes noires de notre histoire, que  pour les « amis » du Maroc eux-mêmes.

C’est en ce sens que Human Rights Watch, dans son rapport annuel 2012,  critique  le soutien de l’Occident à la monarchie marocaine après voir relaté la répression contre les militants du mouvement du 20 février au Maroc et la violence subie par des populations, estimant que la situation des droits humains au Maroc reste préoccupante.

Depuis le 20 février 2011, près de 12 personnes, exaspérées par les conditions de vie dans lesquels on les laisse, se sont immolées par le feu. Des habitants de villages oubliés de ce « Maroc inutile » selon les termes des anciens colons, sont molestés, injuriés et certaines femmes abusées sexuellement du seul fait d’avoir manifesté pour qu’on ne les oublie pas, pour qu’on réalise les promesses faites, pour certains, depuis près de 10 ans.

Que les relations d’Etat permettent l’enrichissement des pouvoirs concernés  n’est pas une chose nouvelle. Mais continuer à entretenir ces types de relation  alors que les populations descendent dans les rues pour exprimer leur indignation et leur volonté de lutter contre les passe-droits, la corruption et l’autocratie, contribue à la dégradation des droits humains au Maroc et à l’approfondissement de la fracture sociale.

Il y a danger à vouloir  présenter ce pays comme une exception, comme un pays sur la voie de la démocratie  comme auparavant on présentait la Tunisie de Ben Ali. 

Il y a danger à contribuer à toutes les raisons tant objectives que subjectives pour une véritable explosion sociale qui bouleversera non seulement l’équilibre national mais aussi les « amis » actuels du Maroc.

Au nom des principes universels des droits humains, indignons-nous contre ces pratiques à répétition qui participent à renforcer  l’exaspération du peuple, l’intégrisme et l’intolérance.

Hayat Berrada-Bousta- avril 2013

Maroc: quand un président d’un État de droit rencontre un roi d’un pays de non-droit.

Alors que François Hollande se rend ce weekend au Maroc, la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN), dirigée par Abdellatif Hammouchi a interdit à Maati Monjib, historien marocain et président également de l’association de défense de la libertéd’expression F reedom Now, de quitter le territoire alors qu’il devait se rendre à Barcelone pour participer à un séminaire.

Bernard Cazeneuve avait fait une première visite au Maroc pour renouer les relations alors rompues et promettre la légion d’honneur à ce même A. Hammouchi, accusé pourtant de responsabilité dans la torture de militants. Le mouvement social comme politique en France et au Maroc s’en était indigné. Cette indignation s’est accentuée avec la signature des accords juridiques entre la France et le Maroc. Plusieurs organisations non gouvernementales françaises (Amnesty, HRW, ACAT, FIDH, Syndicat de la Magistrature, etc.) comme marocaines dont l’AMDH ont pointé du doigt le danger de la remise en cause du
principe de compétence universelle, un engagement international de la France, imposé par la Convention de 1984 contre la torture. Cet accord bilatérale peut constituer un pas vers le morcellement des conventions internationales. “ En plus du volet juridique, le pouvoir politique français exprime, à travers cette concession, un soutien fort aux tortionnaires au Maroc .”

La visite de François .Hollande au moment de l’escalade d’une politique liberticide nous interpelle au delà de cette “subtilité” dans le choix d’être accompagné par les ministres femmes de l’éducation et de la santé d’origine marocaines.
La France renoue avec un État où règne l’arbitraire et la corruption, un État où l’islamisme avéré des ministres au pouvoir conduisent à des méthodes d’intimidation sur les femmes et sur tous ceux qui ne se comporteraient pas conformément à ce qu’ils appellent « l’éducation musulmane».
Encore une fois lorsque les intérêts tant économiques que stratégiques doivent être consolidés comme en Arabie Saoudite où les femmes sont «bâillonnées», un pays de démocratie n’hésite pas à «baiser la main des rois» quel que soit le degré autocratique des pouvoirs en place.
Économiquement, les intérêts sont préservés, les investissements étrangers et
particulièrement français fleurissent dans ce «beau pays» où la pauvreté se développe au rythme de la prostitution et du tourisme sexuel qui laisse l’État indifférent.
Les chantiers innovants bénéficient aux investisseurs étrangers et aux marocains aisés qui ne tiennent aucun compte de la masse de déshérités aux portes de Casablanca.

Comme pendant la période coloniale, on innove dans le «Maroc utile» au détriment du «Maroc inutile». Ce n’est là que la continuité d’une dépendance qui, en aiguisant les contradictions sociales et la pauvreté de certains qui «n’auront plus rien à perdre» créera un autre chaos que ne pourront éteindre ni investisseurs ni ceux qui profitent de ces investissements.

Hayat Berrada-Bousta
18 septembre 2015