Maroc: appel à la grève générale- 16 Février 2016

Trois centrales syndicales ont décidé d’appeler à une grève générale pour le 24 février 2016 en raison du non-respect des engagements pris par le premier ministre PJD[1] concernant la reprise du dialogue sociale. La colère de plusieurs centrales syndicales contre ce qu’elles considèrent comme un mépris à l’encontre des salariés ont conduit les principales d’entre elles  à ne pas défiler à l’occasion de la fête du travail le 1er mai 2015.

Si la revendication se concentre essentiellement sur la réforme des retraites, c’est surtout la déliquescence d’une situation générale approfondissant la fracture sociale qui devient préoccupante:

  • La hausse continue des prix
  • Le soulèvement populaire, désigné sous le nom de « révolte des bougies » dans plusieurs villes et en particulier à Tanger contre Veolia en raison de l’augmentation des prix de l’eau et de l’électricité ainsi que de leur privatisation
  •  Les luttes dans plusieurs secteurs tant privés que publics comme l’ont signifié les médecins stagiaires et les salariés de la fonction publique en raison de leur précarité.
  • La régression dans les réformes des retraites
  • Le gel des salaires
  • L’augmentation de taxes qui touchent les plus pauvres
  • Un décret sur la réduction de 50% du salaire des enseignants en formation avec la remise en cause de leur accès à la fonction publique.
  • ….

Parallèlement, toutes ces mesures n’empêchent pas les plus riches de trouver tous les moyens  pour accaparer  la grande partie des richesses tout en laissant se développer la corruption. Cela ne les empêche pas non plus de décider des dépenses faramineuses pour le “paraître” aux yeux des investisseurs étrangers et des touristes en marginalisant les régions les plus pauvres.

Le Maroc une exception, dit-on alors  dans les sphères des  pouvoirs au niveau de plusieurs pays dans le monde. La situation internationale, la crise systémique du capitalisme, les régressions de l’Etat de droit dans plusieurs pays, les politiques de paupérisation des peuples…et, évidemment, le développement d’actes abjectes de terrorisme permettent une “légitimité” à ce qualificatif.

Les liens qu’entretiennent des pays occidentaux et en particulier la France avec le Maroc pour la satisfaction de leurs intérêts se traduisent par l’accentuation de la fracture sociale. Ceci, sous couvert aujourd’hui de  « coopération pour la lutte contre le terrorisme », ouvrant la voie à une régression en matière de droits humains.

Cependant, peut-on se cacher indéfiniment derrière des actes de terrorisme  dont on ne cherche pas à combattre les causes pour imposer une politique de régression en matière de droits humains tant politiques qu’économiques ?

Ainsi, alors que la réforme constitutionnelle votée en juillet 2011 réduisait les prérogatives royales, le roi préside aujourd’hui bon nombre d’institutions tant exécutives que législatives.

Tout est permis en matière d’exactions des droits humains et de libertés individuelles comme collectives en raison d’un état d’urgence quasi permanent. Nombre de libertés acquises sont actuellement attaquées: droits d’expression, droit de manifestations, libertés d’information…

A cela s’ajoute des pratiques que l’on pensait révolues :

  • Intimidation et en particulier à l’encontre de militantes
  • La torture
  • L’emprisonnement arbitraire contre tous ceux qui expriment leur mécontentement
  • De nombreuses agressions contre les réfugiés sub-sahariens.
  • L’absence de volonté dans la recherche de toute la vérité sur le douloureux dossier des disparitions forcées malgré les promesses faites il y a plus de 10 ans.  Ce fait a été souligné lors de la 108ème session du Groupe de Travail sur les disparitions forcées des Nations Unies.

Dans une interview  sur Médiapart ce 14 février 2016  Khadija Ryadi[2] déclarait : “Le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme, la FIDH, Amnesty International dans son rapport sur la torture en 2015, Human Rights Watch, ont émis des rapports très critiques sur le Maroc. Maintenant, même les ONG internationales ont des problèmes avec le Maroc. Deux enquêteurs d’Amnesty International ont été expulsés. Human Rights Watch n’est plus acceptée. La représentante de la Fondation Friedrich Naumann a été forcée de quitter le Maroc. Les ONG internationales ont du mal à travailler au Maroc. » 

Pour justifier ces pratiques liberticides on s’ingénie à comparer la situation du Maroc à celles que connaissent d’autres pays: la Syrie, la Libye, l’Afghanistan, certains pays d’Afrique subsaharienne…

Avancer ce « relativisme de situations » ne peut qu’entraver le développement et l’évolution d’un pays vers la justice et le droit. Quand ce n’est pas  une poudrière  sur laquelle s’assoient  les pouvoirs et leurs alliés et qui pourraient exploser à tout moment favorisant encore les extrémismes de tout bord.

Hayat Berrada-Bousta
16/02/2016


[1] Parti de la Justice et du Développement, parti politique de référence islamique.
[2]Ancienne présidente de l’association des droits humains au Maroc, Khadija Ryadi a remporté en 2013 le prix des Nations Unies pour les droits de l’Homme.