Du 27 au 30 novembre 2014 aura lieu à Marrakech-MAROC la seconde édition du Forum Mondial des Droits Humains. Les nombreuses atteintes aux droits humains au Maroc ne semblent pas avoir pesé dans le choix de ce pays de non-droit comme pays d’accueil du Forum Mondial des Droits Humains:
- Les récentes arrestations et procès iniques suivis de condamnations arbitraires.
- L’interdiction des activités de plusieurs associations dont l’AMDH, la LMDDH, Amnesty International-Maroc et Freedom-Now.
- Les procès d’opinion contre les étudiants de l’UNEM.
- Les familles des disparitions forcées qui attendent toujours un signe de vérité et de justice.
- Le rapport annuel de 2012 de Human Rights Watch qui, après avoir relaté les cas de répressions et de violences subies par les militants et les populations marocaines, critique le soutien de l’Occident à la monarchie marocaine.
- Le rapport accablant sur l’utilisation de la torture au Maroc mentionnée en mars 2013 par Juan Mendez, rapporteur spécial sur la torture auprès de l’ONU.
- Les différentes explosions sociales du mouvement du 20 février, des diplômés chômeurs et des ouvriers dont les syndicats ont appelé à une grève nationale et à manifester ce 29 octobre 2014.
- La corruption érigée en système de gouvernance
- Les indices inquiétants qui désignent Agadir, Marrakech et Casablanca comme destinations du tourisme sexuel.
- Le traitement scandaleux des réfugiés sub-sahariens…
Ainsi donc, les responsables du Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) au Maroc ont pu convaincre qu’il y avait des avancées démocratiques, occultant ces atteintes flagrantes aux droits humains. C’est leur travail, ce pourquoi le roi Mohamed VI les a nommés à ce poste. Peu importe les convictions antérieures des uns ou des autres, aujourd’hui ils ambitionnent de présenter le Maroc comme une exception, en pleine avancée démocratique. Lors du premier séminaire préparatoire du Forum Mondial, le président du CNDH avait déclaré que le choix du Maroc était “une reconnaissance internationale des réalisations du Royaume dans ce domaine et de la vitalité des institutions nationales.”
Une déclaration alors que leconstat de la dégradation permanente des droits humains a été constatée au niveau international (Maplecroft a classé en 2013 le Maroc comme pays à «haut risque» en matière de situation de droits humains). Une déclaration qui est le signe de la banalisation des atteintes aux droits humains et explique la non-participation de l’ASDHOM à ce Forum: “Non, l’ASDHOM n’ira pas faire du tourisme droits-de-l’hommiste à Marrakech aux frais de la princesse.”
Patrick Baudoin, président d’honneur de la FIDH, dans son intervention le 6 avril 2013 lors du colloque «Les violences politiques au Maroc, pour la vérité et la justice, contre l’impunité et l’oubli», colloque en Hommage à Mehdi Ben Barka enlevé à Paris le 29 octobre 1965 et à Omar Benjelloun assassiné le 14 décembre 1975 à Casablanca, déclarait:
“le Maroc est un pays où tout est en trompe l’œil. (…) Il y a des apparences d’avancées démocratiques et puis, la réalité (…). Rien n’est fait des recommandations et des promesses (…). Il y a eu un bilan dressé mais les bourreaux d’hier se promènent au vu et au su de leurs victimes en toute impunité. (…) Or, on sait très bien qu’on ne peut pas reconstruire une société apaisée à partir de bases vermoulues. Ce qui veut dire qu’il faut que justice et vérité passent et il faut que la société ait le sentiment qu’il y a une volonté et une réalité de mise un terme à l’impunité.”
L’impunité des responsables des exactions passées et de ceux des atteintes actuelles remet en cause certains acquis arrachés de longues dates par les démocrates et ouvre la voie à la récidive d’une pratique liberticide. La résistance des démocrates, leur ténacité, les solidarités nationale et internationale sont les seuls capables de déjouer les démagogies destructrices des droits humains.
La banalisation des atteintes aux droits humains, ajoutée au relativisme et à l’instrumentalisation de leurs principes d’universalité et de globalité ne joue pas en faveur de la démocratie. Leur dégradation tant économique que sociale et politique approfondit la fracture sociale dans notre pays alourdissant la «facture» du changement démocratique qui sera difficile à supporter par le Maroc comme par ses partenaires.
Des boycotts du forum mondial des droits de l’homme- 18 novembre 2014
Le choix du Maroc pour la tenue de la seconde session du Forum des droits de l’Homme a scandalisé plusieurs démocrates marocains comme étrangers.
Le parti communiste français, dans un communiqué daté du 14 novembre 2014, tout en renouvelant « son soutien et sa solidarité à tous les démocrates et progressistes marocains qui luttent, dans des conditions difficiles, pour un Maroc démocratique et de justice sociale. » et après avoir énuméré les violations des droits de l’Homme au Maroc souligne que dans ces conditions : « le Forum mondial des droits de l’homme qui doit se tenir à Marrakech du 27 au 30 novembre s’apparente à une tentative de diversion, pour masquer et faire oublier la réalité de la politique liberticide du régime. Les autorités françaises ne peuvent cautionner et se prêter à une telle opération de camouflage.
Le Maroc ne peut pas continuer à s’enfoncer dans la spirale de la répression qui renverrait le pays à ses pires années noires.
Le Maroc, allié de la France, partenaire stratégique de l’OTAN, ne doit bénéficier d’aucune complaisance d’aucune sorte.
Les liens étroits qu’il entretient avec l’UE à travers l’accord d’association, lui impose de respecter les droits de l’homme. Jusqu’à quand l’UE va-t-elle accepter de fermer les yeux sur leurs violations répétées ? Si aucune amélioration se fait jour, cet accord doit être suspendu. »
Des ONG marocaines ont appelé au boycott ou à la non-participation à ce forum. C’est le cas, entre autres, de La Ligue Démocratique des Droits de l’Homme, ATTAC – Maroc, l’Association de Défense des Droits Humains (ASDHOM) et l’Association Marocaine des Droits Humains(AMDH).
Dès le 2 novembre 2014, l’Association pour les Droits de l’Homme au Maroc ( ASDHOM) dans son point 66 d’informations sur le parrainage des prisonniers politiques, titre son communiqué : « Non, l’ASDHOM n’ira pas faire du tourisme droits-de-l’hommiste à Marrakech aux frais de la princesse » et déclare:
« L’État marocain n’a pas lésiné sur les moyens pour accueillir ce forum. Des billets d’avion sont distribués sans compter et des hôtels huppés ont été réservés pour loger les convives et ce, au moment où les citoyens marocains, dont les droits sont censés être au cœur de ce forum, sortent pratiquement toutes les semaines pour crier leur colère contre la cherté de la vie et notamment contre la hausse des factures d’eau et d’électricité.
(…) À l’annonce de ce FMDH à Marrakech, les organisations marocaines de défense des droits de l’Homme avaient espéré que l’État marocain donne des signaux positifs et fasse des gestes forts en matière de libertés démocratiques comme la libération des prisonniers d’opinion et l’arrêt des poursuites contre syndicalistes, les journalistes, les avocats et les défenseurs des droits de l’Homme, etc.
Ceci aurait pu garantir une participation dans un climat apaisé, et ainsi donner au Maroc une chance de couper enfin avec le passé des violations.(…)
L’ASDHOM refuse de donner quitus aux responsables marocains tant qu’ils ne font pas preuve d’une volonté réelle de couper avec les méthodes du passé et de faire le choix d’un État de droit. C’est pour cette raison qu’elle n’ira pas à Marrakech. »
Le 15 novemvre 2014, c’est au tour de l’AMDH de décider de boycotter ce Forum. Selon cette grande association historique des droits humains, les organisateurs de ce Forum ont la volonté « de marginaliser les organisations des droits humains ».
« Le bureau central de l’Association Marocaine des Droits Humains (AMDH) a discuté, lors de sa réunion ordinaire du 15 NOVEMBRE 2014, plusieurs sujets à l’ordre du jour et , entres autres, le climat dans lequel se déroule la préparation du forum mondiale des droits de l’homme qui se tiendra à Marrakech fin novembre courant ; après avoir constaté la déception de l’association et du mouvement des droits humains du fait du refus de l’ETAT de répondre à la demande d’assainir le climat politique avant la tenue du forum, pis encore , après avoir enregistré la poursuite de l’agression à l’encontre des défenseurs des droits humains ; et suite à son constat de la volonté des organisateurs du forum de marginaliser les organisations des droits humains et de ne pas prendre en considération leurs propositions et projets et suite à l’opacité délibérée et à l’absence de transparence concernant les programmes et la gestion, le bureau central, après large discussion, tient à informer l’opinion publique nationale et internationale de sa décision de ne pas participer au FORUM et de boycott de tous ses travaux ; il sera organisé, ultérieurement, une conférence de presse concernant ce sujet ; la date de cette conférence sera fixée par la suite pour expliquer les raisons de cette décision ».
Encore une fois, les démocrates, les femmes et les hommes épris de justice et de liberté, les solidarités nationale et internationale sont seules capables de déjouer les démagogies destructrices des droits humains et de dénoncer leur instrumentalisation.
Hayat Berrada-Bousta
14 et 18 novembre 2015