Une nouvelle atteinte à l’assassinat de Mehdi Ben Barka – Décembre 2021

Ce 26 Décembre 2021, l’édition du Dimanche «The Observer » du quotidien britannique « The Guardian » publie un article reprenant une publication de l’historien tchèque Yan Koura daté de 2020 suite aux dossiers déclassifiés du Service de Renseignement Tchécoslovaque (StB). Le titre de cet article affirme que Mehdi Ben Barka «  était un espion » du StB pendant la guerre froide. Un titre sans conditionnel qui ouvre la voie à la médiatisation et à l’instrumentalisation  politique en particulier au Maroc.

Ces « nouvelles » révélations nous rappellent celles du journaliste tchèque Petr Zideck  reprises dans l’hebdomadaire « l’Express » du 5 au 11 Juillet 2007,  parues suite à la déclassification des documents de 1950-1980 de la CIA.

En réaction à l’article de la publication de Yan Koura et de l’hebdomadaire britannique, Bachir Ben Barka sous-titre son communiqué : «  Comme les mauvaises herbes, la calomnie repousse continuellement ».

Rappelons que Mehdi Ben Barka après la Conférence de Bandung en 1955 disait «  Toute constructio qui ne tient pas compte de la solidariliant cet ensemble du tiers monde et des réalités populaires est une construction fragile que la moindre poussée fait voler en éclat ». C’est à la suite de cette conférence qu’il sera l’un des 3 vices présidents de l’OSPAA (l’Organisation de Solidarité des Peuples d’Afrique et d’Asie). Quelques années plus tard, il était Président de la commission préparatoire de la Tricontinentale qui a eu lieu en Janvier 1966  après son enlèvement en lui rendant un vibrant hommage.

A ces titres, ne fallait-il pas avoir des capacités d’organisation et la connaissance des réalités, des rivalités, des frictions, des stratégies étatiques que Mehdi Ben Barka a pu et su capitaliser avec, comme l’écrivait l’historien algérien Mohamed Harbi, ce « savoir-vivre qui ne faisait pas défaut à Mehdi Ben Barka »[1]. Pour préparer la Tricontinentale il devait sillonner tous les pays et rencontrer un certain nombre de personnalités anti-impérialistes pour permettre à cette Conférence de regrouper  plusieurs voix contre l’impérialisme, le sionisme et les réactions internes.

Et Prague, comme le rappelle Bachir Ben Barka dans son communiqué « était le siège des organisations internationales progressistes  (Fédération syndicale mondiale, Union internationale des étudiants, …) Elle était le passage  obligé des responsables politiques des organisations internationales comme l’Organisation de  Solidarité des Peuples Afro-Asiatiques (OSPAA), pour rejoindre certaines capitales africaines,  asiatiques et Cuba ».

En Octobre 2021 les écrits politiques (1948-1965) de Mehdi Ben Barka ont été publiés. Ses écrits et interventions retracent ses positions politiques et sa condamnation sans équivoque du néocolonialisme, de l’impérialisme, des pouvoirs réactionnaires, du rôle d’Israël en Afrique et de la nécessité de l’union des peuples pour y faire face. Hasard de calendrier ?Deux mois après, l’hebdomadaire britannique  relance, sans contextualiser, des révélations à répétition dans un climat sanitaire  propice à toutes les instrumentalisations. Comment s’étonner qu’un proche[2] du pouvoir marocain et d’une personne qui serait impliquée dans l’enlèvement de Mehdi Ben Barka, reprenne sans conditionnel ni décence les éléments de l’article de l’hebdomadaire britannique.

Aujourd’hui, le Maroc qui ne veut pas faire la lumière sur sa responsabilité dans l’enlèvement de son plus grand opposant, a  officialisé ses relations avec Israël et n’entend pas soulever  le rôle du Mossad dans l’enlèvement de Ben Barka.

Malgré les  appels répétés de la famille de Mehdi Ben Barka, les différents présidents de la République française n’ont jamais répondu à ses attentes pour rechercher la vérité sur le sort de celui qui fut enlevé en plein centre de Paris.

Comme dans  les anciennes révélations, aucune donnée n’est divulguée sur l’enlèvement du leader marocain, enlèvement qui relève d’un crime d’États orchestré par le Maroc, les États Unis, Israël et des services français. Ainsi, les archives déclassifiées n’auraient pas de dossiers sur l’enlèvement de Mehdi Ben Barka et sur les responsabilités directes ou indirectes de cet acte abject ?

L’un des objectifs de cet abattage médiatique est  non seulement d’entacher la personnalité de Mehdi Ben Barka en particulier face aux jeunes générations mais aussi de tenter de justifier de manière insidieuse son enlèvement et tourner cette page sans dévoiler la vérité.

On ne veut rien épargner à cette famille qui se bat depuis 1965 pour connaître la vérité sur le sort de leur conjoint et père,  l’identification des responsables de ce crime et la localisation de sa sépulture pour lui permettre de se recueillir et faire son deuil.

Hayat Berrada-Bousta
Paris, le 30 Décembre 2021


[1] Mohamed Harbi : « Ben Barka et les nationalistes arabes »- Revue Zamane- Juin 2012

[2] Moulay Ismail Alaoui est un proche du général Housni Ben Slimane qui avait été recherché depuis plusieurs années pour « avoir pris part à la préparation de l’enlèvement de Mehdi Ben Barka à Paris en 1965» :https://www.lemonde.fr/afrique/article/2012/08/02/affaire-ben-barka-un-juge-veut-entendre-le-chef-du-comite-olympique-marocain_1741857_3212.html