En 1983, pour dénoncer le harcèlement policier subi par des jeunes, un petit groupe du quartier des Minguettes de Lyon fait une grève de la faim. Sous l’impulsion de l’un d’eux, Toumi Djaidja, ils constituent l’association « SOS Avenir Minguettes » et organisent le 15 octobre 1983 la marche pour l’égalité des droits et contre le racisme. Les harcèlements policiers systématiques, les crimes souvent impunis avaient fini par indigner.
C’est de manière pacifique que des jeunes de toutes nationalités ont voulu exprimer leur indignation, avec leurs parents, à travers cette Marche pour l’Egalité. Par cette longue marche, ils ont répondu avec dignité au racisme, à la xénophobie et à l’intolérance. A-t-on entendu leurs voix ? A-t-on poursuivi leur voie ?
Ils étaient une petite poignée à Lyon, près de 6000 à Marseille et, en arrivant à Paris-Bastille le 03 décembre 1983, ils étaient près de 100 000.
Ils furent reçus par le Président de la République François Mitterand qui a répondu à l’une de leurs revendications : une carte de séjour de 10 ans pour leurs parents, ces artisans de la reconstruction d’une France dévastée par la guerre. La seconde revendication n’a toujours pas été tenue malgré les promesses successives : le droit de vote des étrangers.
Certes, les assassinats systématiques de jeunes maghrébins ont progressivement diminué. Mais ce sont les fondamentaux de l’égalité que les marcheurs ont voulu marqué à travers cette manifestation qui a duré un mois et demi du Sud au Nord de la France.
Cette marche pour l’égalité des droits était aussi celle de la nécessité de prise de conscience de leur citoyenneté, de la nécessité du dialogue interculturel comme on pouvait le lire sur cette banderolle « Vivre ensemble avec nos différences ». Ils pensaient que leur situation allait changer, que l’on s’attaquera fermement aux propos racistes et aux discriminations, mais, comme le scandait l’un d’entre eux « je pensais que c’était fini mais non, mais non, ce n’était qu’un répit ».
Ils sont français mais on ne veut pas les reconnaître comme tels : ils seront toujours, non seulement des immigrés mais surtout des étrangers que l’ethnocentrisme du système n’arrive pas à accepter malgré les réussites d’un grand nombre d’entre eux. Des discours méprisants passant des maghrébins aux Roms et qui sont parfois repris sans sourciller par certains hommes politiques se disant « de gauche ». Les langages xénophobes sont banalisés, les racistes invétérés ont leur place dans les médias audiovisuels qui, de fait, les légitimise.
Des alarmes ont souvent été tirées. Les réponses sont bien timides face aux enjeux maintes fois soulevés : la cohésion sociale passe par la reconnaissance des droits de chacun dans sa différence. Au risque, comme on le voit, de passer d’indignations en indignations qui ne s’exprimeront pas toujours de manière pacifique.
En ce 30ème anniversaire, hommage à tous ces marcheurs qui ont marqué de manière indélébile la nécessité de tenir compte des questions de citoyenneté, de dialogue interculturel et de dignité humaine.
Hayat Berrada Bousta,
conseil et intervention sur l’interculturalité
15 octobre 2013