Contre le terrorisme, la nécessité de s’attaquer aux causes – 15 Janvier 2015

Les réactions furent nombreuses et justifiées contre cette barbarie perpétrée contre des rédacteurs de « Charlie Hebdo » en janvier 2015. Nous nous sommes, pour une grande majorité, attaqués dans notre liberté. Face à ces actes fort condamnables , il semble nécessaire non seulement d’identifier les coupables mais aussi de clarifier les causes de ce terrorisme.

Nous avons suivi  et,  pour certains,  avons participé à ces nombreuses manifestations de protestation et de colère contre les actes barbares qui se sont soldés par 17 victimes entre les mercredi 7 et vendredi 9 janvier 2015. Près de 4 millions de personnes en France étaient dans la rue depuis le premier jour et en particulier les 10 et 11 janvier.

L’attentat contre Charlie Hebdo a soulevé cette vague de cris pour la défense de la liberté d’expression. Cet hommage mérité à tous ces martyrs de la liberté était aussi une manière de se rejoindre dans des valeurs et principes fondamentaux  de démocratie et de lutte contre toutes les formes de racisme et d’obscurantisme.

Le Président de la République a choisi de se joindre aux mouvements spontanés en y invitant un grand nombre de chefs d’Etat.

Nous avons assisté à la présence de certains pays qui sont loin de la notion même de démocratie et de liberté voire de pays où sévit l’apartheid, à celle de forces d’orientation différentes voire antagonistes dont certaines ont souvent tenu des propos entachés d’hypocrisie, de mensonges et d’opportunisme.

En fait, pour l’Etat Français il s’agirait surtout de rassembler les représentants d’autres pays sur la question du terrorisme et ses ramifications aux niveaux nationaux. C’est son rôle et sa responsabilité. Le fait d’avoir utilisé la colère populaire pour la liberté et la démocratie est certes discutable.

Mais, cette démarche de rassemblement sur la question de terrorisme nécessite la volonté et le courage politiques pour s’attaquer aux origines et causes mêmes de ces actes inqualifiables qu’a subis aujourd’hui la France contre des journalistes et des citoyens de diverses confessions et cultures.

Les causes du terrorisme international sont diverses comme l’ont souligné les experts en la matière. Il a pris différentes formes dont la plus répandue est celle de mouvements de soi-disant défense de la religion musulmane alors que ces «  tyrans n’ont-ils jamais lu le Coran »[1].

Cette forme se développe particulièrement en instrumentalisant l’injustice  flagrante que subit la population palestinienne dans le  conflit Israélo-Palestinien qui dure depuis plus de 60 ans. La communauté internationale doit prendre ses responsabilités pour une paix juste et durable au Proche Orient. Financer  le gouvernement, les institutions et l’armée de l’Etat d’Israël ne fait que donner les moyens à cet Etat de développer ses visées colonialistes qui ont des conséquences dramatiques sur les deux peuples.

Certes  comme en Suède depuis plus longtemps,  on ne peut que se réjouir de certains changements intervenus dans des pays en cette année 2014 qui a été une année dure et éprouvante pour le peuple palestinien. Comme l’écrit le Courrier du Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche Orient[2]  : « Trop, c’est trop. Un changement est enfin intervenu dans divers pays au sein même de plusieurs Parlements nationaux. Tour à tour le britannique, l’espagnol, le français-Assemblée National et Sénat- le portugais, l’irlandais…ont demandé à leur gouvernement de reconnaître l’Etat de Palestine, suivis le 17 décembre par le Parlement européen lui-même. »

Avoir la volonté de lutter contre le terrorisme c’est aussi lutter pour la paix au Proche Orient et ne pas entrer dans l’engrenage du confessionnalisme. Gageons que la présence de Mahmoud Abbas en tant que chef d’Etat au rassemblement parisien du dimanche 11 janvier est la signature du gouvernement français pour cette reconnaissance.

Cela est d’autant plus urgent et nécessaire que ce terrorisme international a ses ramifications directes ou indirectes sur les sols nationaux qui connaissent des situations sociales et économiques dont les différents pouvoirs ne semblent pas désamorcer  la dégradation.

En France, comme cela a été souvent souligné, la fracture sociale apparaît de plus en plus : licenciements, personnes n’ayant pas de toit, problèmes structurels dans la Santé, l’Education…, milieu carcéral propice à la frustration… Cette misère face aux cadeaux que l’on offre aux plus riches engendre la colère, l’incompréhension,  la frustration parmi les plus démunis. A cela s’ajoute le regard porté sur des jeunes dont les parents sont venus en France dans les années 60 et ont participé à la reconstruction de la France. Ils sont sans cesse stigmatisés, rejetés, soupçonnés et ne peuvent que ressentir une grande injustice.  On ne veut pas lire leur histoire. On ne veut pas les voir. L’illisibilité de leurs trajectoires identitaires et l’invisibilité de leurs cultures et origines les poussent au communautarisme rigide et tissent le lit des extrémismes : les fondamentalistes religieux les instrumentalisent, l’extrême droite politique et les obscurantistes « laïcs » ne cessent de proliférer des propos racistes et xénophobes mettant le feu au poudre et ouvrant la voie à l’expression violente injustifiable de certains d’entre eux.

Il est temps de mettre en place des moyens pour que le « vivre ensemble »  soit effectif, pour une véritable justice pour tous, pour veiller aux droits de chacun et que chacun assume ses devoirs. Sinon, ces actes criminels risquent  de se répéter et les mesures de sécurité ne pourront les éradiquer.

La spontanéité des citoyens en France, rejointe par les citoyens de plusieurs pays qui ont écrit  en français, en anglais, en espagnol, en arabe « Je suis Charlie » devrait être un élan de solidarité et de tolérance qui s’inscrit dans la durée, s’élevant contre toutes les formes d’obscurantismes religieux et « laïcs ».

Hayat Berrada-Bousta,
défenseure des droits humains
15 janvier 2015


[1]Le chanteur Renaud : « Manhattan-Kaboul »

[2] – Courrier du  C.V.P.R. – 4ème trimestre 2014