« Le monde est dangereux à vivre
non pas tant à cause de ceux qui font le mal,
mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. »
Albert Einstein
Les citoyens sont nombreux à trouver des moyens d’expression pour répondre et résister aux actes d’ignominie et de lâcheté perpétrés dans des lieux d’expression de vie, de culture, d’échange et de rire. Ils ont détruit des vies mais en aucun cas la raison de vivre que les victimes nous imposent de sauvegarder.
Toutes les manières de se rassembler pour faire face à ces actes qui veulent semer la terreur se conjuguent pour qu’il n’y ait plus « jamais ça ».
Cette spontanéité de citoyens en France devrait avoir les moyens nécessaires pour s’inscrire dans la durée contre toutes les formes d’obscurantismes « religieux » et « laïques ».
Si ces actions, rassemblements collectifs et/ou individuels donnent leur sens à nos profondes convictions de solidarité, de liberté et de droit, il est nécessaire que se traduisent en actes la volonté et le courage politiques pour s’attaquer aux origines et causes mêmes de ces actes inqualifiables que subissent des citoyens de diverses confessions et cultures.
Il faut identifier les causes de ces actes inqualifiables et leurs ramifications internationales. Des tyrans instrumentalisent le désarroi identitaire, la pauvreté, les sentiments de rejet. Ils sont pour la plupart aidés financièrement par des pays comme l’Arabie Saoudite qui entretient des relations privilégiées avec des pouvoirs « démocratiques » occidentaux. Leur capacité de mobilisation est proportionnelle à l’ampleur de ce désarroi.
Ils instrumentalisent l’injustice flagrante que subit la population palestinienne dans le conflit Israélo-Palestinien qui dure depuis plus de 60 ans. Ils n’ont aucune conviction ou solidarité avec le peuple palestinien mais, ils l’instrumentalisent dans leur travail d’endoctrinement.
Et, tant que la communauté internationale (occidentale et arabe) ne prend pas ses responsabilités pour une paix juste et durable au Proche Orient et qu’elle laisse se développer des visées colonialistes avec pour conséquences des vies humaines dévastées au niveau des deux peuples, l’occasion est donnée aux tyrans pour organiser des actes abjectes.
En regardant ce désastre humain et ne rien faire tout en envahissant l’Irak, en déployant les forces pour renverser un pouvoir en Libye au nom de l’ingérence pour la « démocratie » ou contre la tyrannie… l’occasion est donnée à ces barbares de détourner à leur profit des slogans de type « une justice à deux vitesses ».
Avoir une réelle volonté politique, nourrie d’esprit de solidarité, de réciprocité et de justice en toute situation est d’autant plus urgent et nécessaire que ces actes se concrétisent directement ou indirectement sur les sols nationaux qui connaissent des situations de précarité, conséquence d’un système ultra libérale que nul ne veut désamorcer.
En janvier dernier, suite aux meurtres de Charlie Hebdo et du magasin Kacher, plusieurs personnes et organisations ont tiré la sonnette d’alarme. La fracture sociale s’aiguise de plus en plus : licenciements, personnes n’ayant pas de toit, problèmes structurels dans la Santé, l’éducation. Le milieu carcéral propice à la frustration est un lieu d’endoctrinement de tout genre.
La politique d’intégration, en France a un caractère assimilationniste. Une culture ethnocentriste dont les jugements de valeur prennent pour référence « la culture française ». Au lieu de reconnaître les diversités et de leur donner les moyens d’expression et d’échange mutuelle, on évalue ces diversités selon une norme « à la française ». Dès lors, on ne tient plus compte de ce qu’est l’individu, sa dimension humaine, son histoire, ses motivations propres mais sa ressemblance à cette référence. Mais, les seules références ne sont-elles pas celles du droit, de l’égalité, de la justice et du respect de l’autre dans ses différences ?
Quand une identité est bafouée, quand une personne devient invisible et que l’on ne veut pas « lire » ses trajectoires, comment s’étonner que certains, confrontés à l’indifférence ne soient pas endoctrinés par des personnes qui distillent la haine et la peur ?
Quand on installe une différence entre français « de souche » et « issus de », comment faciliter des repères identitaires à certains jeunes en situation de précarité ?
Stigmatisation, rejet, soupçon peut développer la méfiance envers tout ce que représente une institution et, par de là, tout ce que représente un pays.
Bien entendu, quels que soient le sentiment de rejet et les frustrations de tout genre rien ne peut justifier ces actes ignobles qui visent chacun d’entre nous et beaucoup de ceux qui les subissent ne tombent pas dans la radicalisation. Ils méritent d’être entendus.
La responsabilité incombe aux différents pouvoirs politiques qui doivent mettre en place des moyens non seulement pour faire face à la précarité économique mais aussi oeuvrer pour la « déconstruction de la culture coloniale » permettant de prendre en compte les différences et de veiller aux droits et devoirs de chacun. Sinon, dans une situation de précarité et face à l’invisibilité et l’illisibilité de trajectoires identitaires, ces actes criminels se répéteront et les mesures de sécurité, bien que nécessaires, ne pourront pas les éradiquer.
Hayat Berrada-Bousta,
16 novembre 2015