
« L’exil n’est pas une chose matérielle,
c’est une chose morale »
Victor Hugo.
Lors des listes des victimes de la répression réclamées par l’IER en vue d’une indemnisation, Zhor me disait qu’elle n’était pas une victime et qu’elle avait choisi l’exil. Quelles que soient les raisons des uns et des autres concernant ces indemnisations et sans jugement de valeur, il reste que l’exil est une souffrance qui constitue notre identité.
Je n’ai que peu connu Zhor Ben Chemssi même si c’est en 1975 ou 1976 que je la rencontre pour la première fois, ce moment où la passion des échanges et des débats sur la question du Sahara occidental prenait son envol. C’était peu après le premier numéro du mensuel Al-Ikhttiar Attaouri (Option Révolutionnaire). Nous étions tous les quatre, Zhor, Raymond, Abdelghani et moi-même et nous discutions sur la nécessité de l’union de la gauche. Puis, on se croisait par la suite, à plusieurs reprises lors des congrès fédéraux de l’UNEM qui n’en finissaient pas ou lors de certaines manifestations en particulier celle de Juin 1981, suite aux événements sanglants de Casablanca.
Ce n’est qu’en début de ce millénaire que je l’ai côtoyée plus souvent dans le cadre du Forum Marocain Vérité et Justice ainsi que dans le cadre de Convergence des Démocrates Marocains à l’Etranger. Je me souviens de nos colères face à des positions qui, selon nous, étaient un recul dans nos convictions mutuelles mais aussi de notre conviction que la convergence de démocrates, indépendamment de l’adhésion partisane ou associative des uns ou des autres, était une voie efficace contre le non droit, l’injustice, les pratiques liberticides. C’était aussi pour nous un merveilleux laboratoire de la démocratie, loin de tout sectarisme. Malheureusement, cette structure n’aura connu qu’un printemps…
Puis, en début de sa maladie dont elle m’avait parlé avec calme, nous avions eu des échanges diverses. Elle m’a parlé de sa fille que je n’ai jamais eu le plaisir de rencontrer. Elle était intéressée par la question des femmes et du politique ainsi que de la rencontre « quand la mémoire d’un peuple s’écrit par ses femmes ». Mais il ne me semble pas que c’était par attitude féministe mais plutôt pour mieux cerner nos évolutions tant culturelles qu’idéologiques. Elle était dans un combat de droits humains et non dans des revendications corporatistes même si ces dernières étaient nécessaires et faisaient évoluer la cause humaine.
« L’essentiel, écrivait Rosa Luxembourg, c’est de rester en toutes circonstances, un être humain ».
Zhor l’est restée avec dignité, avec humilité, avec sérénité. Une sérénité que malgré sa maladie elle arrivait à me transmettre.
Hayat Berrada-Bousta
Décembre 2015