
« Devant les trahisons et les têtes courbées,
je croiserai les bras, indigné mais serein.
Parmi les éprouvés, je planterai ma tente;
Je resterai proscrit voulant rester debout…»
Victor Hugo
Cette nuit du 18 au 19 février 2012, un an après les mouvements populaires au Maroc depuis le 20 février 2011, sur la place « Lahmam » à Casablanca, ils ont planté leurs tentes heureux d’avoir pu braver l’omerta nationale et internationale qui pensait les faire tomber dans l’oubli. Ils ont animé des cercles de débat sans tabou. Ils étaient, sur cette place, plus de 300 mais cette place a brassé près de 2000 personnes. Dans tout le Maroc, 80 villes et villages ont fêté cet anniversaire.
Indignés, ils continuent à résister de manière pacifique malgré les immolations par le feu des uns, les morts et les détentions arbitraires, au lendemain de la répression sauvage à Taza, au lendemain de la condamnation à 365 jours d’emprisonnement d’un jeune de 18 ans pour avoir «touché» à la sacralité.
Quelle émotion pour les anciens prisonniers politiques, les exilés et les militants de longue date de vivre ces moments d’ expression de jeunes pour la dignité, la liberté et la lutte contre toutes les formes d’impunité dans le calme et le respect de toutes les positions, de les entendre et les voir persister dans leurs revendications pendant une année entière et les entendre ne pas vouloir abdiquer .
Fêter cet anniversaire sous forme de Moussem où se côtoient enfants et adultes, c’est le signe que ce Mouvement a déjà gagné. Les acquis que certains mettent au bénéfice des gouvernants sont des acquis qu’ils ont imposés sereinement. Mais, l’essentiel pour eux, c’est l’avancée des revendications, l’essentiel pour eux c’est de ne pas lâcher quand on ne leur donne que des «bribes».
Pour ceux qui mettent l’accent sur «l’essoufflement» du Mouvement du 20 février, ont-ils déjà vu un mouvement qui, depuis un an ne fait que résister? Quelle endurance!
Que dire de ces slogans qui scandent «nous vous avons compris. Vous ne nous tromperez plus…»? Que dire de cet hommage aux combats de notre peuple depuis la résistance à l’occupant?
Que dire de cette volonté de recouvrir sa citoyenneté véritable, sa liberté, son autonomie, son combat contre un colonialisme nouveau, affairiste et qui ne profite qu’aux oligarchies?
C’est une indignation contre une politique dominée par des relations de type néocolonial où l’économie marocaine souffre de la désarticulation de ses principaux secteurs d’activité, où les liens qui unissent ces derniers avec l’étranger sont bien plus solides que ceux qui existent entre eux sur le marché intérieur.
Entendez ces interventions de jeunes femmes et jeunes hommes sur la nécessité d’imposer l’égalité femme-homme à tous les niveaux « Peu nous importe les discours sur la parité que l’on instrumentalise pour orner une façade «démocratique», ce que nous voulons, c’est la reconnaissance de l’égalité dans les faits à tous les niveaux» clamait une jeune de 24 ans.
Il n’y a pas de démocratie sans éducation populaire. Si le système marocain ne veut pas s’y prêter, si les lettrés sont un obstacle pour leur enrichissement éhonté, si les gouvernants veulent maintenir le peuple dans l’inculture, alors, ces jeunes ont voulu prendre les rênes de la culture. Que dire de ces poèmes en arabe classique mais aussi en dialectale? Que dire de cette voix qui chante le 20 février, la détention d’Elhaqued, libéré depuis et les chansons de Cheikh Imam?
Leurs chants, leurs poèmes, leurs interventions pour le droit, l’égalité, la justice contribuent à une prise de conscience quel que soit leur nombre. Ils sont entourés de gens du peuple venus de quartiers populaires et qui écoutent, acquiescent de la tête.

Bon anniversaire à vous qui avez repris avec endurance et fermeté le combat universel pour la dignité humaine. C’est un souffle qui ne semble pas s’arrêter. C’est un combat voué à la continuité symbolisé par « Mamfakinch».
Hayat Berrada Bousta
20 février 2012