Support d’intervention auprès des fonctionnaires de l’Etat ( inter-ministériel), des départements, des Mairies…sur les diversités culturelles.
Ces interventions donnaient suite à des simulations de situations ( Jeux de rôles).
Comme beaucoup d’autres sociétés , la France fait face à un ensemble de situations liées à la diversité culturelle et aux difficultés de la communication avec des personnes de nationalités diverses .
Comment dépasser ce que l’on se représente comme obstacle car l’autre est « différent »? Comment éviter les malentendus, comment prendre du recul par rapport à ses propres représentations ?
Au delà du ressenti, des préjugés et des certitudes, la communication interculturelle est un moyen de prévention et de gestion des malentendus. En ce sens, elle est un outil pour le « vivre ensemble ». Son appropriation est inhérente aux compétences du travail social et à ses finalités. « Gérer » les diversités culturelles est, au delà de la connaissance des codes culturels, une compétence à acquérir.
On peut répertorier 3 objectifs de l’éducation à l’interculturel :
I – l’acquisition de connaissances , qui vise à favoriser une meilleure compréhension des diverses cultures, y compris la nôtre. Mais, la connaissance des codes culturels n’est qu’un outil pour éviter les malentendus et faciliter le dialogue et mieux connaître l’autre dans sa réalité complexe : savoir
l’acquisition des connaissances à travers la connaissance des immigrations, de leur trajectoires, de leurs droits…Mais aussi, la familiarisation avec certains concepts : qu’est-ce que la culture ? l’identité ? l’intégration ?…
Je n’aborderai ici que la question relative à l’identité culturelle
Pour nous situer dans un contexte spatio-temporel, nous avons besoin d’intégrer notre identité, d’avoir une bonne connaissance de soi ( « Le connais-toi toi-même »). Celle-ci se modifie à travers notre histoire de vie, notre environnement social. Il y a une interaction dynamique entre notre identité et la culture. L’une et l’autre évolue dans un contexte social déterminé. Ainsi, l’identité culturelle n’est pas figée. Si l’on acquiert les bases dès l’enfance, elle évolue au contact des autres.
- Les adultes, venus en France pour des raisons économiques ou politiques ont des repères culturels déjà acquis et leur identité se modifiera au contact d’un environnement culturel différent du leur. De la manière dont ils seront accueillis dépendra leur effort d’intégration ou leur repli sur eux-mêmes. On les dit souvent « mieux intégrés » que les jeunes car « ils n’ont jamais posé de problèmes ».. En vérité, ils étaient pour la plupart dans la soumission et le silence qui sera très bruyant par la suite.
- Leurs enfants, arrivés très jeunes ou nés en France évoluent quotidiennement dans l’environnement social du pays d’accueil de leurs parents mais vivent aussi avec les repères identitaires de ces derniers : même s’ils sont français en étant nés en France, ils ont aussi, pour certains, la nationalité de leurs parents et donc la double nationalité : ex du Maghreb…Leur identité culturelle va évoluer au contact de deux cultures : ils bénéficient d’une double culture répondant à leur double identité : Mais, si le dédoublement de l’identité génère des comportements perturbés, la double identité est une richesse lorsqu’elle est bien intégrée : quelles sont les capacités de chacun à l’intégrer. Cette capacité est souvent en lien avec la situation sociale, professionnelle des parents mais aussi à leur degré d’intégration.
Identité culturelle et identité cultuelle : depuis plus de 15 ans, il y a une confusion entre culture et culte : au lendemain de la politique de regroupement familial, les immigrés faisaient des efforts réels d’intégration : un exemple, il n’y avait pas de problèmes de foulard : les mamans arrivées dans les années 60 l’ont ôté, souvent sous l’injonction de leur conjoint . Et pourquoi leurs filles et elles mêmes, , quelques années plus tard l’ont réhabilité ? La non reconnaissance de la part du pays d’accueil de la culture de l’autre est en grande partie, l’une des raisons de ce retour à des pratiques antérieures : la culture des pays d’origine n’a pas été valorisée ou prise en considération : dévalorisation de la culture d’origine , regard de l’autre, préjugés, stéréotypes… autant d’attitudes qui ont contribué à ce que le repère culturelle ait souvent laissé la place au culte comme repère social. Et, ces populations se sont repliées sur elles mêmes , et de l’identité nationale sont passées à la communauté musulmane, et souvent sans connaissance de l’Islam. La culture se transmet donc au niveau familial mais aussi communautaire ou national pour que les autres se l’approprient. La Culture s’acquiert et se transmet à l’autre.
La transmission de la culture permet d’ asseoir son identité non seulement personnelle mais sociale. Le dénominateur commun à toute culture est la socialisation. Celle-ci se fait, certes, par la transmission mais aussi par l’échange ( interculturalité). La connaissance de l’existence de plusieurs cultures ( pluriculturalité ou multiculturalité ) ne signifie pas qu’il y ait échange et donc volonté de socialisation. Il ne suffit pas de savoir qu’il y a des cultures, il faut, dans la perspective de socialisation, reconnaître la culture de l’autre, échanger, communiquer.
Le sens du travail social, n’est pas seulement de répondre à des difficultés, c’est aussi de contribuer à la socialisation et au « vivre ensemble ».
Ce premier objectif, dans la communication interculturelle, celui de savoir, d’avoir des connaissances des codes et cultures des populations immigrées ou issues de l’immigration, ne doit pas être une fin en soi mais permettre plus d’assurance en situation de communication et de gestion des problèmes et faciliter le dialogue.
Au delà du je sais, c’est plutôt j’écoute , je communique, je rencontre l’autre
II – le développement d’habiletés en communication interculturelle , qui permet d’établir une meilleure communication avec les personnes de diverses cultures afin de pouvoir mieux intervenir auprès d’elles : savoir faire.
Comment je sais communiquer pour pouvoir prévenir et gérer des conflits éventuels ?
Avant tout, qu’est ce que communiquer ?
La communication est l’échange d’idées, de messages ou de renseignements écrits, verbaux, ou non-verbaux qui s’effectuent dans les rapports à l’autre qui est l’individu, le groupe, l’institution, la société.
Emetteur/Récepteur en relation interactive où l’émetteur comme le récepteur évolue dans son environnement propre : définir celui-ci ainsi que l’évolution du sujet dans ce cadre.
Ce rapport avec l’autre, nécessite une négociation qui est un processus dont la finalité est la compréhension mutuelle.
Quel est le cadre de cette négociation ?
La négociation est un processus de résolution des conflits par lequel deux ou plusieurs personnes arrivent à une entente sur un sujet donné. Pour que cette entente soit viable, elle doit satisfaire les intérêts des personnes ou groupes concernés.
Même si chaque négociation est différente, le cadre de négociation doit tenir compte de certains éléments et veiller à ce que soit maintenu un rapport basé sur la compréhension, le respect mutuel, et la reconnaissance du droit de chacun d’être en désaccord, en toute bonne foi, sur le fond du problème.
- Quel est mon intérêt à négocier ? définir mes objectifs et ceux de l’Institution, connaître mes préoccupations et besoins.( lutte contre l’exclusion, par ex) Au-delà des différences culturelles, il est important de se rappeler que, dans toute relation, les notions de hiérarchie, les rapports d’autorité peuvent être différents, tout comme la conception des rapports hommes-femmes, de l’éducation des enfants, la définition de l’espace privé et de l’espace public, la notion de proximité physique, la conception du temps, de l’avenir et de la tradition. Il est donc essentiel de connaître les représentations de l’autre en rapport avec ces questions.
- Quelles possibilités je peux imaginer, inventer, explorer, pour satisfaire les intérêts identifiés.
- Informer et définir les normes objectives (lois, règlements, usages, codes, pratiques) auxquelles les parties peuvent se référer pour assurer un traitement équitable.
- Quelle est la meilleure solution.
- A quel(s) accords on est parvenu : cette entente peut s’énoncer verbalement ou par écrit
Dans une négociation en situation interculturelle, il est important de se rappeler que le fond du problème n’est pas nécessairement de nature culturelle. Il est dans le rapport à l’autre, à son identité personnelle. Il y a des critères universaux à toute négociation même s’il faut aussi être habilité à négocier avec des personnes dont les systèmes de valeur ou les repères culturels sont différents.
Les obstacles à la communication et les difficultés de négociation
- Si l’émetteur ( ex l’ES) a des préjugés sur la personne qu’il reçoit parce qu’il la suppose d’une culture déterminée et la catégorise ( avant d’écouter ses préoccupations) ou s’il se replie dans ses propres références en ne tenant pas compte des références de l’autre ou qu’il montre une attitude de rejet…
- Si le récepteur ( ex la personne reçue) se replie sur lui-même, refuse le discours de l’autre, en quelque sorte, coupe le courant ou ne joue pas le jeu de la réciprocité ( comportements d’agressivité verbale, de préjugés sur le rôle de l’institution ou de la personne qui le reçoit et « qui ne peut pas comprendre… ».
Ces obstacles à la communication trouvent leur explication au niveau du récepteur, dans les attitudes de rejet qu’il rencontre dans la vie quotidienne, de l’humiliation qu’il subit et de la discrimination raciale dont il est victime dans l’emploi comme au niveau social…Les vexations fréquentes vont générer la méfiance et le repli sur soi.
Au niveau de l’émetteur, c’est souvent une méconnaissance de l’autre, entraînant un manque de confiance. C’est aussi, en l’absence de possibilités de solution ( difficultés d’accès au droit), la sensation d’impuissance. La distance culturelle peut être la cause de difficultés de communication.
Mais, expliquer cet obstacle par le seul culturel c’est établir et fixer le rapport à l’autre sur une base ethnique et cela comporte des risques :
- Présumer de l’homogénéité culturelle, la référence étant la culture du pays d’accueil et encourager les stéréotypes
- Oublier les variables telles l’âge, le sexe, l’expérience, le statut social ou économique, la religion, la période d’immigration, les habiletés particulières, l’individualisme de chacun
Comment dépasser ces obstacles ?
- Eviter les dangers de généralisation, insister sur l’hétérogénéité des trajectoires des personnes et des familles.
- Une situation difficile n’est pas automatiquement et uniquement un problème d’ordre culturel . Il faut éviter les dérives qu’est le culturalisme mais aussi les dérives qu’est l’assimilationnisme. Le premier consiste à renvoyer tout sur la culture et à ethniciser les phénomènes socioculturels complexes, alors que l’autre propage une vision éthnocentriste, favorise la catégorisation en infériorisant l’autre en se référant à des stéréotypes.
- En fait, en matière de négociation interculturelle, il faut séparer le problème de la personne.
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- Face à la personne : « désethniciser » le rapport avec l’autre
- Face à la gestion du problème : « désethniciser » la situation, c’est à dire changer de vision et l’envisager dans une perspective où des solutions sont possibles.( ex : ethnopsychiatrie)
- Face à la personne : « désethniciser » le rapport avec l’autre
Le champ du travail social concerne tout public, certes, et il est nécessaire de dégager ce qui relève de la spécificité culturelle dans cette espace de socialisation. La spécificité ou particularité comme partie intégrante de la globalité ou droit commun. Les centres ont un projet global qui concerne toute population : c’est la lutte contre l’exclusion et pour l’insertion sociale dans le pays d’accueil. La communication doit tenir compte, alors, de ces réalités.
Les principales barrières à la communication peuvent être linguistiques, socio-économiques, culturelles ou institutionnelles. Une bonne communication nécessite une écoute attentive du point de vue de l’autre et la démonstration claire que l’on comprend son point de vue. Comprendre ne signifie pas nécessairement être d’accord.
- Vérifier notre compréhension du point de vue de l’autre en reformulant autant de fois que nécessaire
- Ne pas présumer que l’autre comprend,
- vérifier régulièrement sa compréhension
- Il est important de cerner très clairement nos repères et limites et ceux de notre institution afin de rester centré sur ce qui est négociable et ne pas créer d’attentes indues
Des choses qui vont ordinairement de soi doivent être précisées en situation interculturelle. On ne doit pas présupposer qu’elles sont acquises et ce, particulièrement chez les nouveaux arrivants. Il est donc prioritaire quand cela est nécessaire de rappeler :
- la mission de l’Institution : action et travail social
- Le rôle et la fonction de chacun dans l’Institution : celles des éducateurs spécialisées dans la cadre de l’intervention sociale contre les exclusions ;
- Ce qui relève de la législation et des lois en vigueur
Dans un contexte interculturel, la négociation est souvent une recherche d’équilibre entre les droits et les devoirs, entre la culture d’origine et la culture de la société d’accueil, entre le respect des individus et celui de la majorité. C’est la capacité dans ce savoir faire qui aidera à gérer des spécificités culturelles.
III- enfin, s’approprier certaines attitudes, en établissant des relations harmonieuses avec des personnes d’une autre culture ou d’une autre ethnie.
Certaines attitudes sont indispensables dans la communication interculturelle pour acquérir des capacités de résolution de conflits liés à des chocs culturels :
1° La décentration
- Se décentrer et prendre du recul
- Prendre conscience des différents facteurs constituant son identité.
- Prendre conscience de ses limites et faire intervenir des médiateurs ou des partenaires
2° La compréhension du système de l’Autre
- comprendre le système de l’autre grâce à la connaissance de l’évolution de l’immigration en France, au processus d’intégration et aux différentes trajectoires identitaires .
- savoir identifier le problème : est-il culturel ?
- comprendre les difficultés spécifiques des parents immigrés et de leurs enfants nés en France, les situer dans le projet migratoire et le processus d’acculturation.
3° La négociation/médiation interculturelle
- S’exercer à la négociation interculturelle : le temps de l’écoute, la reformulation,
- Ne pas tomber dans l’assistanat
- Ne pas fusionner
Hayat Bousta- Octobre 2002