L’engagement citoyen des Marocains en France : du combat pour l’indépendance à la création de l’A.M.F – 2010

En 2010, l’Association des Marocains en France avait organisé pour le 50 ème anniversaire de sa création , la caravane de la Mémoire en France. Le 17 juillet 2010, c’est au Maroc, à Agadir que cette caravane s’est arrêtée autour de la grande exposition du peintre plasticien Antoine De Barry : La Rupture – 1980-
A cette occasion Antoine de Barry, dans son intervention, après avoir précisé le cheminement de son exposition et remercié le Maire d’Agadir d’avoir bien voulu recevoir pour la première fois au Maroc ‘La Rupture’ conclut en ces termes:
« Pour moi et cette ‘ Rupture’ d’il y a 30 ans, la boucle est bouclée, puisque en quelque sorte je ramène ces hommes au Pays ».

Je tiens tout d’abord  à remercier l’AMF et les camarades qui m’ont proposé d’intervenir ce jour inaugurant dans notre pays la caravane pour le 50ème anniversaire de la plus ancienne association de l’immigration.

Certes, je suis intervenue à d’autres reprises dans le cadre de cette caravane mais, aujourd’hui, dans mon pays dont j’ai été séparée pendant 22 ans, c’est pour moi, une grande émotion.
«  Et même si, sur terre existe un paradis, il ne vaut pas la terre, celle du pays. » Ahmad Schawki.
Etre dans l’obligation de s’en séparer est une véritable déchirure tant pour les exilés politiques que pour les exilés économiques.

Parler de la dimension citoyenne des marocains en France aurait nécessité un débat sur la notion même de citoyenneté.

Sans entrer dans le développement de cette notion, on peut affirmer que la participation active dans la vie socio politique et culturelle ici et là- bas est un élément de citoyenneté.

Aussi parler ici de citoyenneté, c’est aborder l’engagement des marocains en France en relation avec leur engagement pour la sauvegarde des principes d’indépendance, de liberté, d’égalité et de droit et valoriser leur culture et patrimoine.

Quel est donc le contexte de l’immigration marocaine avant la création de l’AMF

En 1905, en pleine révolution industrielle en Occident avec son lot d’occupation comme ce fut les cas en Algérie depuis 1830, en Tunisie en 1881, alors que le Maroc était sous un régime international, la France recrute des marocains pour travailler dans les usines de métallurgie à Nantes et Bordeaux.

Par la suite,  l’armée française va recruter de manière massive des marocains pour les 2 guerres.

En 8 ans, après la première guerre mondiale (de 1921 à 1929), le nombre de marocains augmentent de 50% et seront employés dans les mines, la métallurgie, les travaux publics mais aussi dans les usines d’armement où ils fraterniseront avec les vietnamiens et les chinois en particulier.

Ils seront envoyés aussi à l’Est de 1920 à 1930 pour la construction de la ligne Maginot, cette ligne de fortifications et de défense contre l’Allemagne.

En 1940, comme vous le voyez dans cette superbe exposition d’Antoine de Barry, on les conduira par bateau pour travailler dans les mines du Creusot ou du Nord.

Dans cette même période, la prise de conscience des marocains pour leur indépendance s’intensifie et se concrétise  en 44  par le  Manifeste pour l’Indépendance.

Au début des années 50, les immigrés marocains seront plus nombreux et répartis dans plusieurs pays européens (Belgique, Hollande, Allemagne, ..)

C’est aussi dans ce début des années 50 que le Mouvement National Marocain et, en particulier la Résistance va mener un combat continu pour l’indépendance du pays.

L’exemple de la défaite de la France, en 1952, à Diên Biên Phu et l’amitié entre les ouvriers marocains et vietnamiens dans les usines d’armement, l’assassinat du syndicaliste tunisien Farhat Hachad,  l’exil du roi Mohamed V et  la répression  violente coloniale durant le massacre des carrières centrales de Casablanca amènent des marocains en France  au syndicalisme ( en particulier la CGT) et intensifient leur volonté au combat.

Dans ces années 50, au moment de la recrudescence des combats pour l’indépendance tant dans les villes que dans les montagnes, la contribution des marocains en France a été importante : d’abord au niveau du financement de la résistance par la collecte de fonds, ensuite au niveau de l’approvisionnement en armes.[1

Des cellules étaient organisées dans plusieurs villes de France : Saint Etienne,( avec Moulay Abdeslem Jebli, un des leaders de la Résistance à Marrakech et qui jouera un rôle important pour l’unité de la Résistance au Maroc ).  Gennevilliers (groupe de Brahim Baamrani), Bondy ( le groupe de Houcine Moudine)et Clichy . C’est ainsi que la direction nationale  du mouvement de résistance comptait des immigrés parmi ses membres. Ainsi,   en plus, du soutien politique et matériel au parti de l’Istiqlal, certains travailleurs marocains quitteront la France au début des années 50 pour s’investir dans le combat anti-coloniale au Maroc : ce fut le cas de Mohamed Bennaceur Laatabi qui quittera la France avec 3 de ses camarades pour rejoindre Mohamed Zektouni, héros de la Résistance à Casablanca et intégrer le mouvement au Maroc

La coordination de toute la résistance, incluant les immigrés marocains en France est concrétisée par l’exemple de Da Belaid et sa capacité de coordination entre la France et le Maroc : Da Belaid était membre de la direction du mouvement de la résistance, et son garage à Casablanca servait de lieu habituel des réunions et de rencontres des résistants. C’est dans ce garage qu’a eu lieu au mois de septembre 1953 la première rencontre entre les responsables du groupe de Casablanca : Mohamed Zerktouni, Mohamed Mansour et ceux du groupe de Marrakech : Fqih Elbasri, Moulay Abdeslam El Jebli qui était à Saint Etienne. Ils formeront par la suite le noyau de la direction nationale du mouvement de la résistance.

Da Belaid pour lequel les résistants avaient une grande estime et qui a favorisé ces coordinations indispensables sera enlevé, non pas pendant la colonisation mais au milieu des années 60.

Permettez-moi, en ce jour de rendre hommage à tous ces résistants souvent inconnus qui ont permis l’indépendance du Maroc et à ceux qui, après cette indépendance ont continué leur combat pour la liberté aux prix de grands sacrifices.

A chacun de juger si la situation actuelle est au niveau de ces sacrifices.

Hommage à toutes ces femmes qui  ont participé à ces combats comme le furent Khaddouj Zerktouni, soeur et bras droit du grand résistant Mohamed Zerktouni pendant la période de la résistance de 1952 à 1955, Itto Zayania et Moui Fama, cette résistante  et militante pour la liberté, la justice et le droit pendant la colonisation jusqu’à ces dernières années  et qui nous a quittés il y a 4 ans.

Femmes résistantes et combattantes pour l’indépendance de leurs pays, femmes détenues et parfois assassinées pour leurs idées, femmes exilées en France, en Belgique ou en Hollande et séparées de tout lien familial…mais souvent femmes oubliées.

Elles ont connu comme leurs camarades masculins  les vexations, la prison et la torture. Après l’indépendance beaucoup d’entre elles sont restées humblement dans l’ombre.

C’est à cette humilité là que je rends hommage car elle est le signe d’un véritable don de soi …sans contre – partie.

Merci à elles et à tous ceux qui les soutiennent par l’endurance de leur conviction et combat.

C’est là, en quelques mots,  la période de la colonisation et la participation de  marocains en France à ce combat.

Avec l’indépendance en  mars 1956, certains marocains  retourneront travailler en France et s’impliqueront ensuite dans le combat pour le droit, la justice et la démocratie dans notre pays.

L’euphorie des premières années d’indépendance va se dissiper dans le sang avec les massacres du RIF, au Nord du Maroc où se distinguera le tristement célèbre Oufkir : les militants de l’Armée de Libération Nationale (ALN) seront pourchassés. L’ALN du Sud sera définitivement dissoute. Les uns rejoindront les Forces Armées Royales ( F.A.R.) et participeront à  «la Route de l’Unité » sous l’égide de Mehdi Ben Barka en 1957.

 Les récalcitrants seront liquidés ou rejoindront l’exil.

Une pensée ici pour Idder Ben Saïd qui a connu une longue période d’exil et qui n’a pas dérogé à ses principes élémentaires de justice, de droit et de liberté.

Cette  situation va effriter, l’unité nationale marocaine représentée essentiellement par le Parti de l’Istiqlal (Parti de l’Indépendance). Les divergences apparaissent au sein de ce parti jusqu’à la scission : le 25 janvier 1959, l’Union Nationale des Forces Populaires ( UNFP) sera créée sous l’impulsion de Mehdi Ben Barka pour qui le combat contre un régime autocratique et de non droit est la seule alternative pour le développement du pays et  son indépendance véritable. « Nous avons» disait-il «  chassé la colonisation par la porte mais  nous l’avons laissé rentrer par la fenêtre ».

Création de l’AMF.

A partir de cette date, l’antagonisme avec le pouvoir sera de plus en plus nette avec son lot de répression.

Ainsi, en mai 1960 seront arrêtés des militants de l’UNFP, anciens résistants qui, après avoir connu les prisons coloniales, les retrouveront à l’indépendance.

 En ce jour et en ce lieu, non loin de Beni Mellal, je souhaiterai rendre un hommage appuyé à celui  dont les  premiers faits d’armes remontent à la période du protectorat, quand il rejoint l’organisation clandestine armée  « la Main noire”, dirigée par Mohamed Zerktouni, puis l’Armée de libération nationale, Mohamed Bougrine, le prisonnier des 3 rois qui nous a quittés le 5 avril de cette année.

En ces années, plusieurs militants seront exécutés comme ce fut le cas de Mohamed Ben Hamou El Fouakhri, Abdellah Aznag et Mohamed Japouni qui seront exécutés en 1961 suite au procès d’ octobre 1960.

En Août 1961, s’ouvrira le procès d’anciens militants et résistants arrêtés en 1960. Deux d’entre eux seront condamnés à mort et exécutés en 1963 : Abderrahim El Marrakchi et Lahcen dit  «  le cycliste »

Cette situation entrainera plusieurs anciens résistants vers l’exil en Europe (Espagne, France, Hollande, Belgique..) et en Algérie.

Ces années 60, années de la création de l’AMF resteront dans l’histoire des années de revendications et seront marquées par différents assassinats de leaders du Tiers Monde.( Lumumba, Ben Barka, Che Guevara). La création de l’AMF s’inscrit dans le contexte de l’engagement dans les combats pour la liberté, le droit, la démocratie et la solidarité internationale.

C’est dans ce contexte politique que va s’inscrire l’évolution des pratiques citoyennes de marocains à l’étranger. L’émergence d’un mouvement associatif préoccupé par la situation socio-économique et politique dans les pays d’origine amènent des immigrés marocains au contact des syndicats en France et des milieux politiques de gauche à créer une organisation de masse enregistrée en novembre 1960 et autorisée en janvier 1961 par le Ministère de l’Intérieur en France. L’AMF  sera un outil associatif au service de la communauté marocaine pour soutenir les luttes pour l’accès à la démocratie au Maroc et pour défendre les droits des immigrés en France. Notons bien que c’est l’association de tous les marocains et non seulement des travailleurs. Travailleurs , étudiants marocains ou militants politiques se croiseront à l’AMF.

L’implication des immigrés marocains sur la scène marocaine va s’appuyer sur une mise en réseau d’immigrés au niveau international

Aussi, on peut affirmer que l’histoire des premières années de militantisme de l’AMF est étroitement liée à la construction de la scène politique au Maroc indépendant et particulièrement au Maroc après la mort de Mohamed V.

En 1961, le roi Hassan II accède au pouvoir et octroie le pays d’une nouvelle constitution qui fait du Roi l’autorité suprême. La polémique soulevée par cette Constitution va mettre fin à l’unité nationale qui prévalait depuis la lutte pour l’indépendance.

Les partisans de gauche, hostiles à cette Constitution sont pour la plupart des militants de  l’UNFP (Union nationale des forces populaires), dirigé par Mehdi Ben Barka. Celui-ci est forcé de se réfugier en France lors des premières élections législatives, en 1962. C’est au cours de son exil qu’il va contribuer à rassembler les divers courants de sympathisants au sein de l’AMF.

L’association est en lien au Maroc avec les principales structures nationales : l’UNFP et les centrales syndicales. L’action des militants consiste essentiellement à dénoncer les exactions du régime, fournir un relai des partis au sein de l’immigration et accueillir les réfugiés. Leurs actions sont principalement orientées vers le soutien des structures partisanes de la gauche marocaine. Le siège de l’association est situé rue Serpente, dans le Quartier latin à Paris que Idder Arsala connaît si bien.

C’est de ce local que la majorité des manifestations contre la répression au Maroc s’organiseront, que des structures de solidarité se formeront en particulier le « comité pour la Vérité sur la disparition de Mehdi Ben Barka » suite à l’enlèvement le 29 octobre 1965 de ce leader de la gauche marocaine et figure internationale de la lutte anti- impérialiste

Ainsi, à sa création, l’AMF évolue comme un mouvement d’opposition à la politique considéré comme autocratique de la monarchie marocaine et ses militants soutiendront toutes les luttes pour la démocratie. Incontestablement, le combat mené par la gauche marocaine a véhiculé l’action des militants de l’AMF. Plusieurs de ses militants seront recherchés et d’autres exilés.

L’engagement de marocains en France 

Dès l’origine, pour l’État marocain, la citoyenneté de «  ses sujets » en dehors du territoire national et échappant à l’autorité centrale était une problématique qu’il fallait gérer. Le régime marocain  a toujours cherché à limiter les effets d’une citoyenneté acquise au contact de l’extérieur, d’autant plus que les réfugiés politiques de l’opposition de gauche constituent les chefs de file du militantisme dans l’immigration.

Cette dimension  politique et de soutien au peuple marocain au sein de l’AMF, n’empêchera pas l’association de se donner comme objectif le soutien aux immigrés d’autant que l’association se compose en grande partie de travailleurs immigrés marocains avec qui elle entretient des rapports de soutien, notamment par la constitution d’un fond de solidarité et par l’aide au logement. Les populations immigrées, de plus en plus instruites, expriment en effet le besoin de prendre en charge elles-mêmes les problèmes inhérents à leur séjour en France. 

                  D’autre part, comme pour d’autres associations des immigrations, Mai 1968 sera un moment d’union entre travailleurs français et immigrés. Les travailleurs marocains de l’usine Renault participeront à un grand nombre de manifestations.

                   On peut affirmer que  Mai 1968 fut aussi  un moment   de partage entre travailleurs français et étrangers car les militants français peuvent de moins en moins ignorer la situation des immigrés.  Il se produit alors un rapprochement entre ces ouvriers et les structures syndicales du pays. Comme l’avait souligné Albano Cordeiro, chercheur et militant politique,Mai 1968 est aussi pour beaucoup de travailleurs étrangers un moment de partage et de solidarité avec d’autres travailleurs, français et d’autres nationalités, lors des grèves de mai-juin. La participation des ouvriers est forte dans les usines phares des grèves. Rappelons les ouvriers maghrébins à Billancourt, les Espagnols chez Citroën. Cette expérience peut expliquer en partie l’essor que connaissent les luttes de ces travailleurs pour leurs droits, la décennie suivante.

Le droit pour l’immigré de devenir délégué syndical fait partie des acquis de cette période.

Ceci, permettra à l’AMF au début des années 70 de se développer en constituant une dizaine de sections réparties sur tout le territoire français et entame un travail soutenu de sensibilisation des populations marocaines en France pour leurs droits, l’organisation de stages de formation et d’alphabétisation, etc.

Les Amicales

Ce développement de l’AMF et ses liens avec le politique et les organisations françaises et étrangères préoccupe le régime marocain qui, en 1973 dans un climat de répression généralisée au Maroc va créer « l’Amicale des ouvriers et des commerçants marocains en Europe » , tentant de marginaliser  l’AMF et les associations de marocains à l’étranger.

Celle-ci  mise en place en 1973 est apparue pour un grand nombre de marocains comme un instrument d’intimidation. Il s’agissait de paralyser et briser toute activité syndicale parmi eux. Des  moyens ont été mis à la disposition de ces amicales ( parfois escroqués aux marocains qui rentraient en vacances au Maroc) dont l’objectif était d’isoler, en employant la force, l’AMF en France et les associations des marocains dans d’autres pays en particulier, la Belgique et la Hollande. . Des militants syndicalistes seront menacés à leur retour au Maroc.

Ce fut le cas de plusieurs d’entre eux.  Je souhaiterai citer les noms de certains d’entre eux à  l’occasion de la Caravane de la Mémoire :

Bouras Larbi, militant UNFP et de la CGT, membre du bureau de l’AMF sera arrêté en 1973 et condamné à 5 ans d’emprisonnement.
Aboukhire Houcine, délégué CGT fut condamné à 10 ans de réclusion pour son appartenance à l’UNFP et ses activités syndicales en France.
Ikhiche Houcine, ouvrier en Hollande, militant syndical et politique de l’UNFP condamné à 30 ans de réclusion.
Ikhiche Houcine, ouvrier en Hollande, militant syndical et politique de l’UNFP condamné à 30 ans de réclusion.
Manouzi Ben Mohamed, ouvrier en Belgique inculpé à 10 ans de réclusion…
ElHouari , ouvrier délégué à la CGT chez Renault sera enlevé au Maroc en 1974 et torturé pendant 3 mois….

Ainsi, pendant l’été 1976, des militants syndicalistes sont arrêtés à leur retour au Maroc. Les démarches de la CGT et d’autres organisations n’avaient pas abouti.

Cependant, cette Amicale n’a pas réussi à briser le mouvement de contestation pour les droits des immigrés en France. Au contraire, cette situation  va contribuer non seulement à consolider les convictions pour le droit et la liberté mais encore à faire émerger  la problématique migratoire dans les préoccupations des militants et l’évolution de la scène politique marocaine.

C’est assez massivement que les Marocains adhèrent aux organisations syndicales françaises et l’AMF s’oriente davantage vers l’intégration et la citoyenneté française. Elle va figurer parmi les fondateurs de la Maison des travailleurs immigrés (MTI) où s’organisent, avec d’autres communautés maghrébines, africaines noires et portugaises, des festivals de culture populaire.

A partir de 1980, l’AMF prend une nouvelle dimension : elle participe à la fondation du Conseil des associations immigrées en France (CAIF), est à l’initiative de la création du Conseil européen des associations marocaines (CEDAM) et se compte parmi les organisateurs de l’association Mémoire fertile, chargée de préparer les États-généraux de l’immigration. Par ailleurs, elle entreprend de nouvelles actions sur des axes tels que la famille, l’enfance, la petite enfance, la langue et la culture d’origine…

Aussi, si la création de l’AMF avait pour pierre angulaire la dénonciation d’un Etat de non- droit et la solidarité dans la lutte pour la liberté, de démocratie dans le pays d’origine, la participation de personnes d’horizon diverses, d’une part et la réorientation de l’AMF posera de manière plus claire  la question identitaire de l’immigré marocain et se poursuit sur les choix idéologiques de l’association entre : laïcité, intégrisme religieux,  citoyenneté et reconnaissance identitaire.

En conclusion

Dans un contexte politique très tendu au début des années 60, au moment de la grande vague d’immigration, des marocains en France vont créer une structure de masse indépendante du pouvoir, sous l’impulsion de personnalités politiques de l’UNFP. 

Depuis 50 ans  l’AMF, la plus ancienne association de l’immigration marocaine, sera créée et s’engagera non seulement  pour répondre aux préoccupations des marocains en France mais aussi  dans l’implication des situations socio politiques au Maroc.

Le fait que l’AMF ait entretenu des liens organiques avec le Mouvement national et progressiste marocain, et en particulier avec l’UNFP pose la question de l’autonomie des associations des partis politiques et/ou syndicats ainsi que de leur indépendance vis à vis des institutions étatiques.

Cette réflexion a été centrale au sein de l’AMF qui, progressivement, en restant en lien avec les problématiques du Maroc va inscrire ses activités dans les préoccupations des immigrés en France et surtout, indépendamment de tel ou tel parti politique ou structures institutionnelles.

Elle restera l’association qui aura  développé la conscience politique d’un grand nombre de marocains, ouvriers, étudiants ou salariés.

Actuellement, l’AMF entame des  réflexions nécessaires à la mobilisation des 2ème voire 3ème générations, souvent ne connaissant ni cette histoire si riche de l’AMF ni l’histoire de l’immigration de leurs pères voire grands-pères qui sont souvent restés dans le silence ; un silence bien bruyant dans la tête de certains d’entre eux… Et, ce sont eux qui peuvent être la relève pour approfondir  les questions de citoyenneté..

Cependant, le lien qu’a toujours voulu préserver l’AMF entre, d’une part, le combat pour la démocratie et la citoyenneté  au Maroc et d’autre part  le droit des immigrés marocains en France et leur combat contre les discriminations mais aussi  pour le dépassement d’une attitude de « victimisation » doit rester la pierre angulaire qui donne toute sa dimension aux concepts d’identité et de citoyenneté entre les deux pays.

Merci de me laisser vous dire en Amazigh en ces lieux originaires d’un grand nombre d’immigrés,

Tanmirt o ougdod ad ihaderne

Hayat Berrada Bousta,
17 juillet 2010


[1]Abdellatif Maroufi – « Les immigrés dans le mouvement de la résistance nationale pour l’indépendance du Maroc ».