Droits humains et phénomène des disparitions au Maroc – 2005

En octobre 2005, à l’occasion de la 40ème année de la disparition de Mehdi Ben Barka, l’Association des Marocains en France de Chevilly La Rue avait organisé une rencontre sur les droits humains et les phénomènes des disparitions forcées au Maroc

En cette journée de commémoration du 40 ième anniversaire de la disparition de Ben Barka, je tiens à rendre hommage à sa famille et en particulier à Rhita, sa femme qui depuis toutes ces années reste mobilisée pour que toute la vérité soit faite sur la disparition et l’assassinat de celui qui écrivait : «  La seule vraie politique est la politique du vrai ».

 Espérons qu’un jour, la vérité sur sa disparition et celle de tous les disparus éclatera.   

Je souhaiterai aussi rendre hommage à la famille Manouzi dont le fils et frère a été enlevé le 29 Octobre 1972, 7 années après Ben Barka et dont le sort est toujours inconnu. Depuis cette date, sa famille mène une bataille continue sans concession pour que vérité soit faite. Elle adressait, l’an passé un communiqué en ces termes : «  Par fidélité au combat que mènent les disparus et leurs familles, nous interpellons les responsables de ces actes pour qu’ils libèrent leurs consciences et contribuent eux aussi à ce que les causes des disparitions et des tortures soient éradiquées. Houcine El Manouzi a sacrifié sa jeunesse pour l’émergence d’un Etat de droit. Nous restons fidèles à son combat. »

Toutes nos pensées vont vers toutes ces familles qui sont toujours dans l’ignorance du sort de leur parent malgré les engagements pris par l’IER pour les mettre au courant à chaque stade de l’évolution des dossiers.

Le phénomène de disparitions dans notre pays a connu le même sort qu’au Chili, en Argentine …Espérons que la mobilisation continue de tous les hommes épris de liberté et de démocratie puisse aboutir à une réelle vérité comme cela s’est avéré dans d’autres pays.

Dans tous ces pays, le phénomène de disparition s’inscrit dans des systèmes répressifs et de non droit bafouant les principes élémentaires des Droits humains.

Quels sont ces principes ?

Son principe fondamentale est l’universalité car toute violation de la dignité humaine dans un pays est une atteinte aux droits de l’homme dans leur ensemble, et concerne tout démocrate où qu’il soit malgré les  « obstacles » que certains politiques mettent en évidence lorsqu’il s’agit des pays du Tiers-Monde : à savoir, le relativisme culturel selon lequel  la démocratie et les Droits de l’Homme sont des privilèges des pays développés. Mais que ces mêmes valeurs de démocratie et de Droit de l’Homme ne sont peut-être pas valables pour les pays  du tiers-monde, sous-développés. L’idée est véhiculée par certains politiques de ces pays, souvent en proie à un esprit néo-colonial mais aussi par nos régimes et organisations  anti- démocratiques qui, en relevant les spécificités du Maghreb, veulent soutenir que la démocratie n’est pas de notre culture, qu’elle a été importée… Comme si les pays dits développés avaient toujours connu la démocratie même au temps du servage et de l’exploitation humaine la plus scandaleuse… 

A cela s’ajoute l’obstacle du relativisme que j’appellerai,  de situations : étant donné que ce qui se passe ailleurs est pire, modérez vos critiques…

Et enfin ce relativisme qui consiste à dire pour démobiliser tous ceux qui luttent pour la promotion des droits : souvenez-vous de la situation antérieure…, ces années sombres. Oubliant peut-être que s’il y a eu des acquis, c’est grâce au combat et sacrifices d’un grand nombre de militants des droits humains qui se battent non seulement pour préserver ces acquis mais pour leur promotion.

C’est sur cette base que le Forum Vérité et Justice mène ses actions.

Qu’en est-il des droits humains au Maroc ?

Sans remonter à une période juste après l’indépendance qui a vu sacrifier les membres de l’ALN, le règne de Hassan II a été jalonné de crimes, tortures, disparitions et mépris pour tout un peuple

Depuis l’avènement au trône du roi Hassan II, la gauche marocaine a subi des vagues successives de répression :

En ce jour de Mémoire, souvenons-nous :

Mai 1960 : procès EL FOUAKHRI,  deux condamnations à mort et une vingtaine de peines allant de 10 à 25 ans de prison.

Octobre 1963 : procès EL-MARRAKCHI suite aux arrestations en  février 1960,  plusieurs militants de l’UNFP sont condamnés à de lourdes peines en octobre 1963 dont deux condamnations à mort exécutées.

Mai 1963 : Procès de KSAR-SOUK : arrestations des militants de l’UNFP, suite à des manifestations Plusieurs condamnations dont trois à la réclusion perpétuelle.

Mai 1964 : procès de Rabat : suite aux arrestations massives en Juillet 1963. 102 inculpations : 11 condamnations à mort dont 3 par contumace et 3 à la réclusion perpétuelle. Les autres seront condamnés de un à 20 ans de prison ferme. Tous seront libérés en Avril 1965, après les évènements sanglants de Mars 1965 à casablanca.

23 Mars 1965 : répression sanglante du soulèvement avec son lot de disparitions …

29 Octobre 1965 : enlèvement et assassinat de Mehdi Ben Barka

Avril 1967 : Procès de CHEIKH EL ARAB.  Ahmed AGOULIZ, surnommé Cheikh El Arab, fut encerclé par les troupes d’Oufkir, près de Casablanca et assassiné avec deux de ses compagnons. Leurs camarades seront arrêtés en fin 1964 et sauvagement torturés. Les corps de quatre d’entre eux seront retrouvés dans la région de Casablanca. Les autres sont jugés en avril 1967 et seront condamnés à des peines allant de 5 à 20 ans de réclusion.

Janvier 1969 : procès EL ATLASSI. En octobre 1963, plusieurs cadres de l’UNFP sont arrêtés. El Atlassi sera condamné à mort mais sa peine sera commuée à 20 ans de réclusion en novembre 1977. 3 condamnations à mort par contumace. Les autres seront condamnés à des peines allant de 8 à 15 ans de réclusion.

Juin 1971 : Procès de MARRAKECH. 161 militants de l’UNFP sont présentés devant le tribunal. Ils avaient été arrêtés en 1970.L’un d’entre eux meurt en détention. 32 sont jugés par contumace 3 condamnations à la réclusion perpétuelle mais libérés en novembre 1977. 3 condamnations à la réclusion perpétuelle dont Mahmoud Bennouna, tué en Mars 1973 dans la région de Goulmima avec un certain nombre de ses camarades. Les autres seront condamnés à des peines allant de 10 à 30 ans de réclusion.

Septembre 1971 : Procès des militaires, suite au putch du 9 juillet 1971. Plusieurs d’entre eux seront transférés au bagne de Tazmamart.

Octobre 1972 : Procès des militaires, suite au coup d’état du 16 août 1972.220 militaires comparaissent devant le tribunal militaire. 11 condamnations à mort exécutées le 13 janvier 1973, le jour de la fête du mouton.

Octobre 1972 : disparition à Tunis de Houcine Elmanouzi

Novembre 1972 : Procès de MARRAKECH : 10 militants de l’UNFP condamnés. 4 à mort dont  3 à contumace.

Mars 1973, assassinats de plusieurs militants et combattants dont Mohamed Bennouna

Juin 1973 : Procès de KENITRA, suite aux évènements de mars 1973. Des centaines de militants de l’UNFP sont arrêtés dans tout le pays. 159 d’entre eux seront traduits devant les tribunaux. 16 condamnations à mort, exécutés le 1er novembre 1973. 15 condamnations à perpétuité dont 2 militants. Après avoir fait appel, ils seront condamnés à mort et exécutés en août 1974. Les autres seront condamnés de 10 à 30 ans de prison. L’un d’entre eux, après l’appel du procureur sera condamné à mort et exécuté en août 1974.

Août 1973 : Procès de Casablanca d’un grand nombre de militants frontistes. Plusieurs condamnations de 15 à 5 ans de réclusion. 24 condamnations à la réclusion perpétuelle. Certains d’entre eux seront arrêtés en 1974 et condamnés au procès de Casablanca de janvier 1977.

Janvier 1977 : procès de Casablanca des militants et responsables marxistes-léninistes, arrêtés en 1974 et 1975. 139 d’entre eux seront inculpés « d’atteinte à la sûreté » de l’Etat. Abdellatif Zeroual est mort sous la torture. Condamnations à la perpétuité dont Abraham Serfaty. Des condamnations allant de 30 à 5 ans de réclusion. Saïda Menebhi, condamnée à 5 ans de prison, mourra suite à une grève de la faim le 12 décembre 1977.

La liste est longue et incomplète tant on ignore ce qui est advenu de plusieurs personnes suite aux manifestations de 81 et 84.

Disparitions, tortures, intimidations des familles, arrestations arbitraires…et assassinats, exils… telle fut la pratique répressive systématique du régime marocain.

Peut-on, alors, au nom d’un certain changement dans ces pratiques, tourner la page ? Peut-on nous contenter d’acquis sporadiques et minima et oublier tous ces sacrifices et souffrances ? Peut-on banaliser à coups médiatiques ce que des centaines de militants et leurs familles ont enduré au nom d’un soi disant changement ?

Mais de quels changements s’agit-il ?

Certes, on ne peut ignorer certains acquis, fruits de longues luttes. Les ignorer c’est aussi banaliser le combat de tous ceux qui se sont battus et continuent à se battre pour la justice et le droit.

Mais nous ne pouvons être dupes d’un choix politiques dans le changement de pratique répressive car les Droits de l’Homme ne sont pas «  une enseigne que l’on exhibe » à l’opinion internationale, c’est une donnée essentielle de la dignité humaine et l’expression d’une véritable volonté politique de changement structurel.

On oublie souvent la dimension économique et sociale des droits humains. Or, Les fondements matériels de la dignité humaine que sont les droits socio-économiques sont indissociables des droits culturels, civiques et politiques. C’est un tout indivisible.

Au  Maroc,  les droits économiques sociaux et culturels se dégradent :  les droits à la santé, à la sécurité sociale, à un logement convenable, à un environnement sain et à une vie décente.

  • Ainsi, la pauvreté absolue a atteint en 2003 20%, laissant des enfants dans des situations catastrophiques et favorisant un marché de petites bonnes pour ne pas dire d’esclaves.
  • Le taux d’analphabétisme  atteint 50%.
  • Le Maroc est  placé  au 126ème rang selon l’indice de développement humain et au 70ème rang dans l’échelle de la corruption.
  • Il  n’y a pas de politique de développement pouvant mettre fin à la dégradation profonde des Droits Humains économiques, sociaux et culturels et qui puisse favoriser l’émergence d’un Etat  de Droit qui lutterait contre l’impunité des crimes économiques à l’instar des graves violations des Droits Humains ;
  • Au niveau du code de la famille : après avoir oublié le plan d’Intégration de la Femme en 2000, le pouvoir a fini par procéder à des changements au niveau du code de la famille sous la pression d’un grand nombre d’associations pour les droits des femmes. On peut noter une réelle avancée pour les femmes qui ne sont plus sous tutelle, la reconnaissance des mères célibataires et de leurs enfants…

Mais le nouveau code de la famille maintient en grande partie l’infériorité de la femme et la discrimination à son égard, voire la privation de la femme marocaine de nombreux droits civils contenus dans les conventions internationales relatives aux  Droits Humains, tel que le droit de la femme de donner à ses enfants sa propre nationalité. 

La polygamie demeure toujours dans les textes avec, certes des amendements mais aucune garantie. Les conventions bilatérales avec la France, en particulier celle d’Août 1980, sont toujours en vigueur et risquent de laisser la femme immigrée dans des situations de précarité, en particulier pour ce qui est de la polygamie et de la tutelle sur les enfants. Mais, la préoccupation d’un grand nombre d’associations des droits humains réside dans l’application de ces textes, dans le cadre d’un Etat qui ignore la séparation des pouvoirs.

Le pouvoir absolu ne laisse pas de garanties pour l’application de textes : on reste dans l’arbitraire du juge ou du moment.

En ce qui concerne les droits des enfants, une grande majorité d’entre eux, demeurent privés des mesures de protection contre l’arbitraire, l’exploitation économique et sexuelle, l’exclusion et l’analphabétisme. Cette situation a poussé de nombreux enfants à l’immigration dite clandestine pour fuir les conditions intolérables qu’ils vivent dans leur pays. Ce qui interpelle l’Etat à respecter ses obligations internationales et en particulier les dispositions contenues dans la Convention des Droits de l’enfant.

C’est un aperçu rapide d’une situation socio-économique qui nous interpelle et pose la question de fond : la nécessité de l’instauration d’un Etat de Droit.

Au niveau des récentes exactions politiques, on peut rappeler ce que plusieurs rapports internationaux ont appelé «  le recul du Maroc «  concernant les DH en particulier après l’emprisonnement, l’arrestation arbitraire et la pratique de la torture contre des personnes au nom de la lutte contre le terrorisme.

Si la lutte contre des actes terroristes est tout à fait légitime, les dérives sont aussi manifestes. Plusieurs exemples, depuis le début des années 70, montrent que le pouvoir n’a jamais sévi lorsque les démocrates étaient menacés par les intégristes.

Dans les débuts des années 70, des   actions de terreur sont organisées par le Mouvement des la jeunesse Islamiste à l’encontre des militants de gauche dans les lycées de Casablanca et dans les quartiers populaires.

Parallèlement à celle du pouvoir, la violence des islamistes culmina avec la tentative d’assassinat de Minaoui Abderrahim professeur à Casablanca et membre du Parti du Progrès et du Socialisme, puis l’assassinat du grand dirigeant de l’UNFP Omar Bendjelloun le 18 décembre 1975. Le pouvoir, quant à lui,  voyait dans les islamistes un allié dans l’affrontement avec le mouvement progressiste. Il n’a jamais pu ou voulu anéantir ce mouvement qu’il a laissé se développer.

Plus proche de l’actualité et depuis 2000 : La montée de l’intégrisme  a culminé au moment du Plan d’Intégration de la Femme et le pouvoir n’a jamais tenté de contrecarrer ces mouvements. Ainsi, en 2001, on n’a pas hésité à malmener les militants qui défendaient ce Plan malgré les appels lancés par la Ligue Démocratique des Droits des Femmes au gouvernement lui demandant « d’assainir le domaine religieux et d’en finir avec la frénésie politicienne terreau de la haine envers la femme ». Les autorités publiques ont fermé les yeux sur les agressions fascistes subies par les citoyens dans de nombreuses localités du royaume.

Il a fallu les attentats de Mai 2003 pour que le pouvoir sévisse tout en exploitant cet événement pour faire la chasse à toute contestation.

La loi contre le terrorisme, entrée en vigueur le 29 mai 2003, 15 jours après les attentats a soulevé de vives protestations de la part des associations des Droits de l’Homme au Maroc et dans le monde. Cette loi qui est une violation des dispositions des lois marocaines et du Droit international a été officiellement installée le 12 Avril 2004. Elle comporte notamment de graves restrictions à la liberté individuelle et à la vie privée et à la liberté de la presse mais surtout ouvre la voie à l’arbitraire dans les traitements des détenus.

Comme l’a souligné l’AMDH, la lutte contre le terrorisme n’est vue que dans son approche sécuritaire pour ne pas rechercher ses causes profonde dans la misère, la marginalisation et l’exclusion de la majorité des citoyens et des citoyennes ainsi que l’absence de démocratie.

Ainsi, alors qu’il semblait que l’on pensait s’acheminer vers des changements de pratiques en matière des droits humains et que les acquis constatés pouvaient ouvrir la voie à ces changements, les droits humains ont connu une  régression sensible en 2003.

Quels acquis et quelle évaluation de ceux-ci ?

On peut affirmer que depuis le début des années 90, la politique répressive du régime a changé grâce à la détermination et l’engagement continu des forces progressiste et démocratiques marocaines ainsi qu’à la solidarité internationale mais aussi à la nécessité de la monarchie pour préserver sa pérennité et de s’y soumettre.

Après avoir reconnu l’existence du bagne de Tazmamart et de Kellat LaMgouna,  ces mouroir où ont sévi pendant près de 20 ans plusieurs détenus,     et après la libération en 1991 de ceux qui étaient toujours en vie, le roi Hassan II a   prononcé un discours d’amnistie en 1994 et inauguré la page des disparus en Octobre 1998 : il a établi un Mémorandum où il reconnaissait qu’il y avait des disparus : 118 d’après lui, entre 600 et 3000 selon les associations des droits humains. Pour donner plus de crédibilité à cette « nouvelle » phase, il avait auparavant nommé au poste de chef de  gouvernement, un militant et responsable socialiste, mainte fois condamné et rentré d’exil.

Onze ans après l’amnistie et sept ans après l’annonce de l’ouverture des dossiers des disparus, où en est-on ?

Depuis la mort de Hassan II, cette phase nouvelle s’est accélérée pour répondre aux exigences internationales mais aussi aux revendications de plus en plus soutenues des associations des droits humains.

Pour sa part, l’AMDH a publié une première liste de tortionnaires mettant en cause les piliers du régime dans les actes de tortures. 

Dans cette conjoncture fut créé le Forum  marocain pour la vérité et la justice, le 8 novembre 1999, qui a  pour revendication essentielle, la vérité en particulier sur les disparus, l’indemnisation des victimes et la justice à savoir la lutte contre l’impunité.

En Décembre 2000, par une Lettre ouverte au Parlement marocain, l’AMDH attirait l’attention de l’opinion publique nationale et internationale sur l’évolution de la situation des droits humains dans notre pays, de l’emprisonnement arbitraire et de la torture,  «  laquelle évolution demeure caractérisée par le refus de l’Etat à assumer son entière responsabilité dans le traitement global et équitable des dossiers afférents aux graves atteintes des droits humains qu’a connues le Maroc depuis la fin des années cinquante à ce jour. »

Les associations des DH revendiquaient la mise en place d’une structure autonome pour le règlement de ces questions.
A la place d’une Commission Nationale Indépendante pour la gestion des dossiers des victimes de la répression que réclamaient les associations des DH en 2002 pour que les dossiers soient examinés sans partie pris, le roi du Maroc, a ordonné en Novembre 2003, la mise en place de l’Instance Equité et Réconciliation et a nommé ses représentants : des victimes de la répression siègent dans cette instance. Le dahir, à savoir la loi pour sa création, a été promulguée en Avril 2004.

L’objectif du pouvoir dans la mise en place de cette instance était de marginaliser les associations qui revendiquent leur autonomie et porte leurs revendications au niveau de l’identification des responsables et la lutte contre toutes les formes d’impunité.

Certes,  la mise en place de cette instance est une reconnaissance par l’Etat de ses crimes. De même, les réparations des victimes et leur indemnisation est un droit et non un privilège.

Cependant, la question de l’autonomie de cette structure nommée par le roi, et le maintien de tortionnaires déjà identifiés dans les sphères de l’Etat nécessite de la part des associations des DH et de la société civile une extrême vigilance quant à  la banalisation de la vérité. :  on ne pourra admettre que soient tournées les pages des années de répression, que l’on parle de réconciliation  sans justice , sans identifier les responsables et sans lutter contre leur impunité.

 Il n’y a pas de réconciliation sans justice. Aussi, si l’Instance Equité et Réconciliation   considère que la justice n’est pas de son ressort, elle ne doit pas s’intituler  réconciliation.

Est-ce à dire que les travaux entrepris par cette Instance n’ont aucune importance ? Non. Ils sont des éléments importants dans tout processus de recherche de la Vérité mais ne sont en aucun cas suffisants pour que la réconciliation se fasse. Ils n’ont de sens que dans la complémentarité et dans le soutien , et non la marginalisation, des associations des droits humains qui veulent mener plus loin, dans la lutte contre toute impunité, le combat pour la justice et la dignité. Ce combat est l’expression de la résistance contre toute déviation de la vérité.

L’exemple des auditions publiques médiatisées en sont la preuve.

Ces auditions sont, en effet, un cas unique dans le monde arabe. Mais encore une fois, la parole a été permise sans être libérée. Exprimer ses souffrances sans nommer les responsables qui les ont infligées est une tromperie…pour faire croire qu’il y a une volonté politique pour la recherche de la Vérité. Mais, les victimes, par leur expression, veulent aller plus loin et ces audiences ne les ont pas détournés de leur ferme intention de lutter contre l’impunité.

Certes, le système politique est responsable de ces crimes. Mais il ne s’agit en aucun cas de diluer les responsabilités individuelles de chaque tortionnaire et de banaliser les graves exactions des droits humains. Auquel cas, on perpétue le système de gouvernance, l’arbitraire et le non droit.

Pour conclure

Il est indéniable, que les questions relatives aux droits tant politiques qu’économiques et sociaux sont intimement liées aux structures politiques existantes. Force est de constater qu’il n’y a aucun changement à ce niveau.

Ainsi, malgré les acquis enregistrés grâce au combat des démocrates, la question fondamentale reste toujours posée : l’absence d’un Etat de Droit au Maroc.

Hayat Berrada Bousta,
20 octobre 2005