Rencontre à Chevilly la Rue pour la journée internationale des femmes – 2019

La Maison pour tous de Chevilly-Larue en partenariat avec l’AMF avait organisé, le 14 mars 2019, une soirée projection du film documentaire de Dalila Ennadre sur la vie de Fatema Ouaziz, cette combattante contre le colonialisme et pour un Maroc libre et démocratique. Depuis l’âge de 15 ans, elle avait consacré sa vie pour un Maroc libéré du colonialisme et du néocolonialisme. Ce film documentaire nous fait traverser une partie de l’histoire du Maroc vécue par celle que l’on appelait « Moui Fama », la mère de tous: des combattants de la première heure et de ceux engagés pour le combat contre l’autoritarisme, l’injustice et le mépris. Elle répétait souvent : «Je n’ai pas de maison. Ma maison, c’est ma djellaba». Elle nous a quittés le 20 mars 2004, le mois des femmes….

En ce 8 mars 2019, hommage aux femmes Palestiniennes  qui bravent à Gaza l’occupation de leur terres par l’État d’Israël et qui cette journées du 8 mars 2019 ont encore assisté à l’assassinat d’un de leurs enfants. «  L’occupant israélien », lit-on dans le bulletin Euro – Palestine de la Coordination des appels pour une paix juste au Proche-Orient «  a célébré à sa manière le 8 mars, en tuant un jeune Palestinien de Gaza et en blessant 42 autres personnes qui manifestaient pacifiquement pour célébrer la Journée de la Femme, et notamment la résistance héroïque des femmes palestiniennes. »

Hommage aux femmes algériennes, voilées ou non voilées, elles manifestent pour les droits de tous, la démocratie et l’égalité des genres.

On l’appelait Moui – à savoir, notre mère- car elle a été la maman d’un grand nombre de militants, visitant ceux qui étaient incarcérés et empêchant l’arrestation de certains autres.
Ce reportage d’une femme qui a habité sa djellaba pour se battre contre toutes les servitudes familiales et sociétales est un exemple de la Mémoire historique et politique d’un peuple qui s’écrit aussi par des femmes.
Dans ses convictions les plus profondes, avec l’enthousiasme nécessaire, Moui Fama a bravé les interdits. Dans un pays où la domination masculine, malgré les acquis, reste préoccupante, à une période historique où les pères et les frères dominaient leurs épouses, sœurs et mères, la figure de Moui Fama, son combat reste toujours d’actualité et rejoint celui de nombreuses femmes au Maroc.

Quand on a touché à leur pays, par le traité de colonisation d’Algésiras le 30 mars 1912, ce sont des femmes qui, en 1913, manifesteront à Khémisset. C’était la première manifestation contre la colonisation.

Pendant la période coloniale, nombreuses étaient les femmes qui ont participé à la Résistance telle que Khadija Zerktouni, frère du résistant Mohamed Zerktouni dont le nom est inscrit dans plusieurs rues et avenues du Maroc. Mais pas le sien !

Le combat des femmes marocaines ne s’inscrira pas seulement contre le colonialisme, il s’intensifiera contre le néocolonialisme et l’absolutisme sous toutes ses formes. Un combat non seulement pour les droits des femmes mais aussi pour une démocratie véritable.

Le Maroc contemporain est celui de nombreuses femmes qui, malgré toutes les difficultés à se faire entendre, ont contribué à ce qu’aujourd’hui on inscrive la nécessité de leur rendre hommage et de ne pas les oublier…

Le courage de Moui Fama à braver son père et ses camarades résistants contre la colonisation, c’est aussi un combat contre la culture de domination sexiste qui est universelle.

Les questions relatives à l’égalité Femmes-Hommes datent de bien longtemps et continuent à préoccuper notre histoire de l’Humanité.

Ce n’est qu’en 1977 que les Nations Unies officialisaient le 8 mars comme journée pour la revendication des droits des femmes et pour la sauvegarde de leur avancée ( les acquis étant réversibles). Alors que 66 ans avant, Le 19 mars 1911 , l’Internationale socialiste des femmes célébrait la première journée internationale des femmes en revendiquant le droit de vote des femmes, l’égalité économique et juridique des femmes ainsi que la fin des discriminations au travail suite à la proposition de Clara Zetkin en août 1910 de tenir une journée internationale des femmes. Avec Rosa Luxembourg entre autres, elles n’avaient de cesse de se battre pour les droits des femmes mais aussi contre toutes les formes de discriminations, le racisme et le nazisme.. Rosa fut assassinée en 1919. Clara Zetkin qui a connu dans sa jeunesse plusieurs années d’exil fut contrainte de quitter son pays à l’arrivée du nazisme en 1932. Elle avait 75 ans. Elle meurt en exil.

Chaque pays a évolué sur cette question de manière spécifique selon un contexte socioéconomique et politique déterminé. La plupart avance les caractères spécifiques culturels ou cultuels pour s’éloigner de l’égalité des genres : notre religion, nos traditions, nos habitudes…. De tout temps, on a eu recours aux religions pour asseoir la domination masculines.

Au-delà de son impact négatif sur l’égalité des sexes, ce relativisme culturel est un obstacle à l’émancipation, au développement et conforte les pouvoirs dominants ; Clara Zetkin déclarait : « l’émancipation de la femme comme celle de tout le genre humain ne deviendra réalité que le jour où le travail s’émancipera du capital. »

On ne peut pas faire l’économie de la dimension politique de cette question. C’est un combat politique qui n’est pas du ressort des seules femmes.

Il s’agit de notre rapport à la Démocratie. Non seulement dans les pays dits de « non droits » ou « sous – développés » mais encore dans les pays de « droit » où l’application de la loi est en deçà de sa lettre non seulement sur la question de l’égalité des genres mais sur notre approche de l’égalité pour tous.

Or, actuellement, la notion de démocratie ne connaît-elle pas une dégradation ? N’est-il pas temps alors de la réinventer même au niveau institutionnel dans des États dits de « droit » pour qu’elle se rapproche du droit plus que de la loi.

Mais, le combat le plus dur n’est-il pas celui que l’on doit faire sur nous-mêmes, notre désaliénation, femmes comme hommes, de siècles de servitude et de domination dont celle sur le « sexe faible » ?

Long débat que celui de réinventer la démocratie et se libérer des habitudes « démocratiques ». Mais, c’est un combat qui a le mérite de donner sa place à l’Humain. C’est un travail de longue haleine sur nous-mêmes. Comme le disait Rosa Luxemburg du socialisme« La victoire de la Démocratie ne descendra pas comme le Destin du ciel »

Hayat Berrada Bousta,
14 mars 2019