Hommage à Gilles Perrault- ASDHOM- 28 octobre 2023

Le 28 octobre 2023, l’Association de Défense des Droits de l’Homme organisait avec plusieurs associations marocaines en France ( Forum Marocain Vérité et Justice, , l’AMF, ATMF, Institut Mehdi Ben Barka, l’Association des Familles des Disparus au Maroc) un hommage à Gilles Perrault à Paris en présence de sa famille et l’intervention de son fils, Sidney Peyroles.
L’ASDHOM avait organisé des rencontres de parrainage des prisonniers politiques. En 2012, Gilles Perrault parrain de cette rencontre mais qui ne pouvait y assister, envoyait un message pour exprimer sa solidarité, entre autres, par ces termes
: « parrainer un ou une prisonnière politique représente un geste de solidarité élémentaire auquel nul ne doit se dérober. C’est briser la solitude que peut ressentir celui ou celle qu’on parraine ». En 2014, l’ASDHOM lui remettait son titre d’honneur honorifique de  » Citoyen marocain ».

« Avec tes ami-e-s démocrates et défenseur-e-s des droits humains, tant au Maroc qu’en France, l’ASDHOM tient à te rendre cet hommage. C’est un devoir auquel nul ne doit se dérober, tellement ta contribution a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de lutte contemporaine du Maroc. Tu es entré dans cette histoire par la grande porte et tu ne l’as jamais quittée.

En épousant la cause et le combat des libertés démocratiques au niveau international et au Maroc du temps des années de plomb, tu as donné un sens au mot solidarité internationale.

Ton engagement sincère et authentique auprès des forces vives démocratiques marocaines était déterminant. Ta voix et surtout ta plume, en publiant le mémorable livre Notre ami le roi, ont contribué indéniablement à soulever le voile sur des crimes contre tout un peuple.

S’il a permis de sceller cette histoire de luttes de Gilles Perrault avec celle  des démocrates marocains, nous nous ralliions à Gilles Perrault l’universaliste dans d’autres combats. A propos de la Palestine il écrivait au Monde Diplomatique/ numéro de Juillet 2003  « Les couvre-feux rigoureux avec une rafale pour l’enfant qui n’a pas les horaires en tête. Les pillages de soldats se comportant comme des soudards. La misère partout. L’angoisse permanente. Les deuils. Et ce peuple palestinien martyrisé qui semble se réciter chaque matin le vers du poète Nazim Hikmet : «L’important, c’est de ne pas se rendre». Et tu as vu juste pour ce peuple héroïque qui ne se rendra jamais jusqu’à la libération de sa terre.

Nous nous ralliions également au combat de Gilles Perrault pour l’abolition de la peine de mort, dont Il est courageusement décrite dans son livre « Le pull-over rouge », qui a contribué à faire évoluer l’opinion publique française vers l’abolition de la peine capitale , après la sentence contestable de l’exécution du jeune Ranucci.

Par son engagement sincère et désintéressé auprès des défenseurs des droits, tu as mis à nu tout un système de répression pratiqué par le Makhzen au Maroc:la torture, la disparition forcée, les enlèvements et les procès politiques iniques, et d’autres atrocités sont bien documentés dans son livre  ce qui a brouillé cette image que cherchait le pouvoir au monde, encouragé en cela par ses amis parmi les Etats occidentaux.

Ton appui agissant et désintéressé des combats des forces vives au Maroc a créé une pression à l’international qui n’a laissé de choix au régime marocain que de lâcher du lest dans les années 1990 en ouvrant le bagne/mouroir de Tazmamart, en libérant ses rescapés, en mettant en place une amnistie et en permettant le retour des exilés politiques.

Tu n’as pas baissé les bras pour autant. Ta lecture politique lucide de la situation au Maroc a fait que tu n’as pas courbé l’échine et tu as continué ton soutien indéfectible aux luttes des victimes de la répression au Maroc, à leurs familles et aux organisations de défense des droits humains. Tu as toujours répondu présent quand il s’agissait d’apporter ton appui ou ta solidarité avec une action en faveur des victimes. Le pouvoir en place a fait de toi une persona non grata. Tu as fait face avec courage et détermination à toutes les tentatives d’intimidation et de corruption de la part du Makhzen qui cherchait à te faire taire.

Lorsque tu as pris part en 2012 à la campagne de parrainage en faveur des prisonniers politiques et d’opinion au Maroc, nous avons encore en mémoire ces quelques phrases que tu as prononcées pour soutenir la campagne, et tu disais: «Parrainer un ou une prisonnière politique représente un geste de solidarité élémentaire auquel nul ne doit se dérober. C’est briser la solitude que peut ressentir celui ou celle qu’on parraine. C’est réconforter les familles. C’est aussi et surtout démontrer au pouvoir que ses victimes ne sont pas à sa merci, ignorées du monde extérieur, livrées à sa vindicte. »

 Avec la même ferveur, et malgré ta maladie et ton âge avancé, tu as ensuite accepté de faire partie d’un comité international pour la libération de tous les prisonniers politiques et d’opinion au Maroc. Projet sur lequel travaille actuellement l’ASDHOM dans le cadre d’un partenariat avec l’Association marocaine des droits humains (AMDH) et le Centre des droits humains en Amérique du Nord (HRC-AN). Ta disparition avant sa mise en place est une grande perte pour nous démocrates marocain-e-s. Et, nous te promettons de continuer ton combat pour un Etat de droit au Maroc en concrétisant ce projet.ce projet

Ton œuvre est immense. Nous ne sommes pas trompés quand en novembre 2014 et lors d’une soirée de solidarité à Paris, tu nous as fait l’honneur d’être présent pour faire le point sur la campagne de parrainage et surtout pour recevoir ton titre honorifique de « Citoyen marocain ». Titre dont tu as été sincèrement fier, toi qui étais banni par le pouvoir marocain. Il trône depuis dans ton salon.

Gilles, tu voulais aussi rappeler dans ton roman « La croisade des loups solitaires », à l’humanité que son devenir, son bonheur sont dans LA PAIX entre les peuples ; à travers ce témoignage d’une vie qui permet de faire face à ses erreurs, de saisir l’opportunité de les corriger et de connaître enfin la paix.

Ta disparition nous fait beaucoup mal. Seul un « Panthéon marocain » pourra nous consoler.

 En attendant, nous te garderons dans nos cœurs et notre mémoire collective.

Repose en paix cher compatriote ».