Fatima Semlalia dans la république des mères courage.

En 1974 et 1975, plusieurs groupes de militants seront arrêtés.
Leur procès s’ouvre en janvier 1977. Un absent : Abdelatif Zéroual, enseignant, meurt en prison sous la torture au Centre de Derb Moulay Chrif . Il avait 30 ans.
Près de 3 ans avant leur procès, ils avaient entamé plusieurs grèves de la faim pour protester contre leurs conditions d’incarcération. Ils avaient subi des tortures indicibles.
A ce procès, jonché d’iniquité, cinq d’entre eux ont été condamnés à la réclusion perpétuelle: :  Serfaty Abraham, Zazaa Abdellah,  Mouchtari Bel Abbes, Fakihani Abdelfatah, Nouda Abderrahmann.
D’autres militants seront condamnés de trente à cinq ans d’emprisonnement. L’auteur de ce texte, Mostafa Meftah, en fit partie.
Rappelons que d’après Amnesty International, l’ensemble de ces condamnés se virent infliger deux ans de prison ferme en sus, pour « outrage à la Cour ». Ils avaient été soutenus par leurs familles qui n’avaient jamais baissé les bras.
 À l’issue de la dernière grève de la faim, Saïda Menbhi, condamnée à 5 ans de réclusion meurt le 12 décembre 1977.
Mostapha Meftah témoigne sur ces familles, notamment les mères, dans un autre texte émouvant sur les mères courage sous le titre « Les tisserandes de la patience et de l’espérance- Les allégeuses de peines ».
Ce premier texte rend un bel hommage à l’une de ces mères, Fatima Semlalia.

Dans la république libre des Mères Courage marocaines, Mère Fatima Semlalia occupe une place centrale.

Dans la république libre et fière des familles des prisonniers politiques, Mmi Fatima occupa et occupe toujours une place centrale.

Ces familles et surtout les mères qui en plus d’endurer les dommages collatéraux des violations extrêmes des droits humains au Maroc, ont su soutenir leurs enfants, prisonniers politiques, victimes directes de ces violations.

Pendant toutes ces années à partir de 1977, et le fameux procès de Serfaty wa man ma3ah, Mère Fatima assurait le premier accueil des familles venues visiter leur enfant, frère, sœur ou proche, une nuit entière de sommeil après le long voyage depuis Oujda, Ain Bni Mathar, Houara, Karia Ba Mohammed, Marrakech ou Casablanca, un verre de thé chaud et un dernier debriefing avant la visite, tôt le matin.

Mmi Fatima et ses filles assuraient ensuite l’accueil après la visite, pour un répit avant le long voyage silencieux de retour un premier échange sur la visite…

Quand les circonstances l’imposaient, sa maison servait de quartier général pour organiser des actions, des manifestations, des réunions des familles, des rencontres avec des journalistes nationaux et étrangers, des représentants d’organisations nationales et internationales des droits de l’homme, des camarades ou des amis cherchant des nouvelles, des hommes politiques et toutes celles et tous ceux qui avaient ou désiraient afficher leur proximité avec les prisonniers politiques de la Prison Centrale de Kénitra.

Pendant la grève de la faim, sûrement que la maison de Mmi Fatima servait de lieu de discussion et de décision des démarches que faisaient les familles pour informer l’opinion publique et les personnalités susceptibles de se solidariser avec la grève de la faim menée par les prisonniers politiques.

Elle a surement fait partie des stratèges et meneuses de la lecture du LATIF à la mosquée Assounna de Rabat.

Je pense qu’après le coup de colère des familles qui ont déversé les victuailles qu’elles avaient amené aux prisonniers hospitalisés à l’Hôpital El Idrissi à Kénitra à la fin de la fameuse grève de la faim qui a duré 45 jours à la suite d’un incident dont je ne me rappelle pas bien.

Je ne sais pas non plus quel rôle elle a joué dans cette action, mais, sa présence était constante et ses qualités de meneuse de mères incontestable.

Puis très rapidement, la maison de Mère Fatima Semlalia s’ouvrit aux mères, pères et proches d’autres groupes de prisonniers politiques.

Lorsque les portes de la Prison Centrale de Kénitra ont commencé à s’ouvrir, les vagues successives des prisonniers politiques libérées firent d’abord un premier crochet par sa maison pour y gouter les premiers thés, les premiers petits fours, les premiers silences, les premiers rires inextinguibles, les premiers conciliabules et les premiers étonnements entourés de la sollicitude de Mère Fatima et de ses filles.

Elle était à la fois notre mère à tous quel que soit notre relation avec son fils Hassan, notre appartenance politique ou nos choix.

Elle était, également, la mère de nos mères de nos pères, frères et sœurs et épouses.

Je crois savoir qu’après sa libération Driss Benzekri avait l’habitude de lui rendre régulièrement visite et je ne serais pas étonné si j’apprends un jour qu’elle a joué un rôle, peut-être à son insu sur le cheminement qui allait conduire Driss Benzekri à l’expérience de l’Instance Equité et Réconciliation.

Son témoignage lors de la première audition publique organisée par l’IER consacre sa stature à la tête des Mères Courage.

Mostapha Meftah
Novembre 2014